- Les
Fasti Ecclesiae Gallicanae : Hélène
Millet
- Les églises collégiales
de France : Anne Massoni-Hubert
- Les évêques et la fonction
épiscopale : Véronique Julerot, Christine
Barralis, Fabrice Delivré
- Les collèges et les universités : Jean-Philippe
Genet
- La consécration au Moyen
Âge : Fabrice Delivré
- Les légats pontificaux du
XIe au XVIe siècle : Pascal Montaubin
- Le sixième centenaire du concile
de Perpignan (1408) Hélène Millet
- Le sixième centenaire du concile
de Pise (1409) : Hélène Millet
Depuis
leur création, en 1991, par Hélène Millet,
les Fasti Ecclesiae Gallicanae ont permis de faire émerger
quantité de questions relatives à l'insertion
des ecclésiastiques dans la société médiévale.
L'étude du milieu des chanoines des cathédrales
a fini par déborder sur la population voisine des chanoines
de collégiales. Les suites du colloque international
" Suppliques et requêtes " - qui s'est tenu
à Rome en 1998 et dont les actes ont paru en 2003 - ainsi
que les relations nouées avec les équipes "
surs " que sont les Fasti Ecclesiae Anglicanae,
l'Helvetia sacra et les Fasti Ecclesiae Portugaliae
créent autant d'opportunités de prolonger la recherche
à l'échelon international. Plusieurs thèses
de doctorat ou des travaux d'habilitation menés soit
dans le cadre du LAMOP soit en partenariat avec Hélène
Millet portent sur des sujets qui conjuguent recherches sur
les personnes et sur les institutions ecclésiastiques.
C'est pourquoi il a paru opportun de créer une structure
de coordination susceptible de soutenir l'essor de ce secteur
de la recherche.
Deux grandes orientations seront privilégiées
: l'étude des individus et, tout particulièrement,
celle du corps épiscopal, des chanoines et de leurs chapitres,
et celle de notions essentielles à la cohésion
du corps ecclésial telles que l'ordre, la hiérarchie
et l'autorité.
I
Les individus et leurs institutions
Dans cette section prennent place deux groupes bien structurés,
les Fasti Ecclesiae Gallicanae et les Collégiales
de France, un programme en voie de constitution sur les
évêques et la fonction épiscopale ainsi
que la poursuite de travaux sur les collèges et les universités.
-
les Fasti Ecclesiae Gallicanae
D'abord constitué en GDR autonome puis inclus dans
un GDR à vocation fédérative, le programme
Fasti Ecclesiae Gallicanae fait actuellement partie
du GDR 2513, SALVÉ.
Il dispose d'un site web (http://fasti.univ-paris1.fr)
auquel sera renvoyé le lecteur soucieux d'en connaître
le détail. Il mobilise une centaine de chercheurs,
dans leur presque totalité extérieurs au LAMOP,
certains débutants dans la recherche, les autres déjà
parvenus à l'âge de l'éméritat,
parmi lesquels une trentaine a reçu la responsabilité
de mener à bien la publication d'un fascicule diocésain,
sur le modèle des neuf livres déjà parus
(collection Fasti Ecclesiae Gallicanae aux éditions
Brepols). Parmi les diocèses pour lesquels la recherche
est déjà bien avancée, on peut citer
.Auch (Françoise Merlet-Bagneris),
.Autun (Jacques Madignier),
.Avignon (Anne-Marie et Michel Hayez),
.Châlons-en-Champagne (Sylvette Guilbert),
.Chartres (Pierre Desportes et Pascal Montaubin),
.Clermont (Henri Hours), Mâcon (Denyse Riche),
.Meaux (Christine Barralis),
.Poitiers (Laurent Vallière),
.Riez (Thierry Pécout),
.Sens (Vincent Tabbagh)
et d'autres encore que détaille la rubrique " collaborateurs "
du site web consacré au programme :
Mais aucun ne peut espérer parvenir à bonne
fin avant l'année 2006, si bien que 2005, année
sans parution de fascicule, pourra être consacrée
par Hélène Millet à la réalisation
et à publication, sous une forme qui reste encore à
déterminer avec l'éditeur, de la base de données
cumulée pour les neuf diocèses ayant chacun
déjà fait l'objet d'un livre séparé
(Amiens, Rouen, Reims, Besançon, Agen, Rodez, Angers,
Mende, Sées). La possibilité de saisir dans
son ensemble une population d'environ 8000 ecclésiastiques
ouvrira évidemment des perspectives nouvelles qu'il
conviendra d'explorer, en particulier durant les réunions
de travail bisannuelles des membres de l'équipe. En
attendant, celle de l'été 2005 sera jumelée
avec une journée d'initiation aux livres liturgiques,
assurée par Jean-Baptiste Lebigue (IRHT).
-
Les collégiales de France
Dans la suite de sa thèse de doctorat sur l'église
collégiale de Saint-Germain l'Auxerrois de Paris, soutenue
en 2001, Anne Massoni-Hubert a formé un groupe d'une
quinzaine de chercheurs qui a pour projet actuel de dresser
le répertoire des collégiales séculières
de France entre 817 et 1530.
Ce groupe se réunit deux fois par an pour faire le
point sur l'avancée du travail commun. Celui-ci consiste
en l'établissement d'une base de données donnant
les principales caractéristiques de chaque établissement
recensé. Dans ce but, chaque chercheur doit avoir dépouillé
un certain nombre de sources qui constituent un minimum commun
de documentation. Ces sources sont les suivantes : pouillés,
comptes de décimes, lettres pontificales publiées
pour les XIIIè et XIVè siècles, comptes-rendus
des visites pastorales (quand ils existent), répertoires
numériques des Archives Départementales, pièces
justificatives publiées dans les Instrumenta
des volumes du Gallia Christiana et dans la bibliographie
existant sur l'histoire du diocèse étudié,
bibliographie générale sur les collégiales
répertoriées et sources propres à celles-ci.
Les champs définis pour la base de données sont
au nombre de onze :
.la date de fondation de la collégiale
.sa localité
.son vocable
.sa province ecclésiastique
.son diocèse
.son fondateur
.son état antérieur
.le nombre de ses chanoines
.son patron
.le collateur de ses prébendes
.et sa date de disparition.
Pour l'instant, les diocèses couverts représentent
environ la moitié du territoire de la France, définie
à peu près dans ses frontières actuelles.
Ils correspondent aux spécialités régionales
de chacun des collaborateurs. Ce sont six cents établissements
qui ont été recensés et il semble qu'il
faille au moins une année complète de travail
pour que l'ensemble des églises des dits diocèses
soient pointées. Le groupe a également prévu
d'établir une carte pour localiser les établissements
mais la réflexion est sans cesse à mener pour
qu'elle conserve sa lisibilité dans un format commode
à consulter. Il faudra enfin rédiger une longue
introduction à l'ouvrage, pour préciser les
problèmes de terminologie, les sources consultées,
justifier les cadres chronologiques et géographiques,
esquisser les premiers éléments de synthèse
apparaissant au travers de la base.
Il restera ensuite à compléter la base, soit
en recrutant de nouveaux collaborateurs, soit en confiant
de nouveaux travaux aux chercheurs actuels. Il est impossible
de dire pour l'instant quel est le nombre exact des collégiales
qui seront recensées et donc d'évaluer précisément
l'ampleur du travail qui reste à mener. Néanmoins,
il semble raisonnable de tabler sur encore quatre ans de travail
pour faire aboutir le projet. De nouveaux contacts sont d'ores
et déjà établis pour l'avenir avec des
chercheurs français, en particulier pour les diocèses
non traités de la province de Bordeaux, pour celui
de Mende et pour les diocèses limitrophes de la frontière
suisse. Une collaboration plus institutionnelle a déjà
été envisagée avec l'équipe d'accueil
EA 1086 CERHILIM de l'université de Limoges.
Cette synthèse vise tout d'abord à faire apparaître
l'implantation géographique et les vagues de fondations
de ces églises qui représentent un très
grand nombre d'établissements, fondés tout au
long du Moyen Âge et encore au début de l'époque
moderne, dans tous les diocèses de France. Elle permet
la distinction claire de types d'établissements aux
fonctions évolutives suivant l'époque de leur
fondation. Sans sa forme actuelle, la base de données
laisse déjà apparaître des vagues de fondation
repérables, correspondant à des types de collégiales
bien différents. Ce travail peut répondre à
plusieurs problématiques. Celle d'abord de la construction
d'une hiérarchie religieuse à l'échelle
"nationale", d'un complexe échafaudage de
dépendances entre établissements, de relations
entre maisons séculières et maisons régulières
et celle d'un réseau d'églises par "couches"
successives, d'une adaptation progressive aux nécessités
de l'encadrement pastoral à différentes échelles
: provinces, diocèses, archidiaconés, villes,
etc
Celle ensuite de mouvements de réforme propres
au clergé canonial, par transformations d'abbayes,
de prieurés en collégiales et inversement. On
y aborde également la diversité des conditions
au sein du clergé : chanoines, auxiliaires de tout
type et passerelles entre les conditions, différences
entre nord et sud, ville et campagne, grands établissements
prestigieux et collégiales minuscules. Ces églises
sont aussi les relais des dévotions, surtout aux reliques
et aux saints locaux et un lieu d'observation de l'évolution
du culte marial, de la prise en charge de l'attention croissante
aux âmes des défunts. Elles permettent enfin
d'étudier les relations entretenues avec le pouvoir
temporel, royal, princier, seigneurial par le biais de l'exaltation
dynastique, des interventions dans le système bénéficial,
ainsi que des partages et négociations avec les autorités
ecclésiastiques. La publication de ce répertoire
vise donc à donner un outil de travail complet à
tous les personnes travaillant sur une catégorie d'églises
médiévales encore méconnue.
-
Les évêques et la fonction épiscopale
Plusieurs des thèses soutenues ou engagées par
des membres du LAMOP (Christine Barralis, Fabrice Delivré,
Véronique Julerot, Pascal Montaubin et Émilie
Rosenblieh) traitent plus ou moins directement des évêques
et de leur rôle au sein de la société.
Il apparaît donc possible et souhaitable que la recherche
à leur propos se fasse de façon concertée,
d'abord sous forme de rencontres de travail au sein même
du laboratoire.
Dans un premier temps, le problème des élections
épiscopales, particulièrement bien étudié
par Véronique Julerot, constituera un thème
fédérateur.
L'Église de France du XVe siècle offre un exemple
unique de renouveau des élections épiscopales
face à la centralisation bénéficiale
romaine : une pratique qui se développe dans le cadre
du Grand Schisme - et en particulier, durant les périodes
inédites de la soustraction d'obédience et de
la neutralité - pour connaître son paroxysme
sous le régime de la Pragmatique Sanction (1438), qui
reste un point de référence tout au long du
siècle, au-delà des apparentes vicissitudes
de l'ordonnance royale et jusqu'à sa suppression par
le Concordat de Bologne (1516) : nous sommes en présence
d'un mode de promotion des évêques tout à
fait cohérent et raisonné, en dépit des
inévitables aménagements et improvisations et
du ferme maintien de la provision apostolique. Un domaine
bien circonscrit mais délaissé par l'historiographie,
soit que la provision pontificale ait mobilisé toutes
les énergies [Barraclough (1935), Klaus Ganzer (1968),
Michèle Bégou-Davia (1997)] soit que les élections
épiscopales aient été abordées
pour des époques antérieures (IXe-XIIIe siècle)
[Pierre Imbart de La Tour (1890), Johannes Baptist Sägmüller
(1908), Marcel Pacaut (1957), Robert Benson (1968), Jean Gaudemet
(1979)], soit, enfin, que les historiens de l'Église
de France du XVe siècle [Valois (1896-1902, 1906),
Gazzaniga (1976)] ne s'y soient pas intéressés
autant qu'on imagine.
Dans un premier temps, il conviendra de mener une réflexion
sur la nature des sources à disposition et d'en faire
l'inventaire (procès-verbaux d'élection, mandements
royaux, registres de la chancellerie pontificale, épaves
du Consistoire, Obligationes et Solutiones, Introitus
et Exitus, registres de plaidoiries, de délibérations
et d'arrêts des Parlements de Paris, Toulouse et Bordeaux,
discours, traités polémiques etc.), recensement
des élections (avec cartographie, nuances temporelles
et spatiales, chanoines réguliers/séculiers),
mise à jour des répertoires vieillis d'Eubel
(1913-1914) et d'Hoberg (1949) tout en fournissant de la matière
aux notices épiscopales des Fasti Ecclesiae Gallicanae,
confrontation des points de vue parlementaire et pontifical.
Autre aspect privilégié, la dimension juridique
et judiciaire. Il faudra insister ici sur le droit des élections,
des confirmations et des consécrations véhiculé
par le Décret de Gratien, les décrétistes,
les décrétales, les décrétalistes,
les Summae de electione - avec d'indispensables éclairages
sur la formalisation du XIIIe siècle, jusque dans ses
prolongements coercitifs : il s'agira en somme de comprendre
comment les réformateurs ont pensé le retour
aux " anciens usages " et à l'Église
primitive - le Décret de Gratien face au jus novum
des décrétales - tout en s'inscrivant dans un
monde normatif nouveau (compétence des tribunaux séculiers,
procédure pétitoire / possessoire, administration
de l'évêché etc. ).
Cette approche mettra en lumière la recherche de la
légitimité et de l'autorité - dans un
dialogue constant avec les formes institutionnelles antérieures
-, la redistribution des équilibres ecclésiologiques
au travers de l'élection, de la quête du confirmateur
et du consécrateur, et le renouveau des prérogatives
attribuées aux chapitres et aux instances ordinaires
(suffragants, métropolitains, primats). En parallèle,
on devra s'interroger sur le rôle des assemblées
du clergé de France et des conciles de l'unité,
où s'élabore une authentique juridiction en
matière bénéficiale. La volonté
de réforme, si souvent affichée, sera mesurée
à l'aune de l'observation des affrontements locaux
entre élus et pourvus et celle de la composition entre
les élus des chapitres et l'institution pontificale
(cassation des élections, provision déguisée
en confirmation, devenir du jus pallii etc.).
-
Les collèges et les universités
II
Les principes
La seconde orientation développée dans l'axe portera
sur quelques principes fondamentaux du fonctionnement du corps
ecclésial et de la société chrétienne
dans son ensemble. Les travaux seront coordonnés par
deux chercheurs, Pascal Montaubin et Fabrice Delivré,
l'un ancien, l'autre nouveau membre de l'Ecole française
de Rome. Sans négliger l'histoire des idées, il
sera surtout question d'observer la manière dont les
principes d'ordre et de hiérarchie ont été
mis en application. Une enquête sur les légats,
leurs pouvoirs, la mise en scène de leurs actes et de
leurs déplacements et une autre sur la consécration,
que ce soit celles de l'hostie ou celles des hommes et des lieux,
seront lancées.
L'Eglise, dans son acception la plus large, est considérée
par les théologiens comme la société parfaite
par excellence. Dans sa réalité terrestre, elle
présente des visages qui ont varié au gré
des vicissitudes historiques, rediscutant les modèles
culturels qui président à l'établissement
des hiérarchies et modifiant les formes et l'exercice
de l'autorité dans son organisation. La restructuration
ecclésiologique profonde engagée par la réforme
dite " grégorienne " à partir du XIe
siècle se caractérise entre autres par l'affirmation
de la monarchie pontificale (" théocratie ")
qui revendique de manière renouvelée la charge
de garantir la paix entre tous les chrétiens et de les
ramener à l'unité dans son giron.
Du milieu du XIe siècle (schisme du 1054 entre Rome et
Constantinople, emblématique à plus d'un titre)
aux réformes protestantes du XVIe siècle, qui
contestent radicalement l'ecclésiologie grégorienne
et conduisent l'Eglise catholique à se repositionner
lors du Concile de Trente, c'est bien la place de la tête
par rapport aux membres qui suscite de vifs débats dans
le corps de l'Eglise que composent tous les chrétiens.
C'est aussi la place que peut ou doit occuper le clergé
(séculiers et réguliers au sens large) par rapport
aux laïcs dans la societas christiana qui divise
et provoque des conflits, sachant qu'il n'y a pas d'espace prévu
dans le monde idéal médiéval pour l'épanouissement
des non chrétiens (juifs, musulmans, ou autres hérétiques
et païens) et encore moins pour le développement
des idées athées.
La recherche de l'unité des chrétiens (symbolisée
par la tunique sans couture du Christ) constitue un objectif
impératif sans cesse poursuivi depuis le début
du christianisme. Elle prend, à partir du XIe siècle
surtout, une forme particulière avec le thème
de la reductio ad unum au profit de l'Eglise romaine
(juridiction, législation, pouvoirs, théologie,
liturgie, etc.). Cette problématique historique devrait
servir de fil conducteur à une vaste réflexion
embrassant le devenir de la société occidentale
médiévale, dans les relations entre ses composantes
(clercs/laïcs, papauté/épiscopat, séculiers/réguliers/mendiants,
pouvoir princier/pouvoir ecclésiastique, etc.), mais
aussi dans ses rapports avec les non-catholiques.
Cette volonté de parvenir à l'unité de
l'humanité dans la foi chrétienne romaine se manifeste
dans des processus variés et concomitants, oscillant
entre des procédures de règlements des conflits
à l'intérieur du monde catholique et des formules
souvent plus violentes pour intégrer ou exclure les non-catholiques
(répression de l'hérésie, croisades, mais
aussi missions et ébauche de dialogue, etc.).
En Europe occidentale et depuis ce territoire, la papauté
monarchique revendique explicitement la charge de construire
l'unité de l'humanité vouée à se
rassembler dans la religion du Christ. Il convient donc d'en
examiner les moyens, d'en préciser les présupposés
idéologiques et d'en mesurer l'efficacité historique.
On pourrait en priorité s'attacher à certains
modes de pacification et de régulation de la société
: la législation canonique alors extrêmement vivaces
(en particulier le jus novum des décrétales),
la juridiction romaine (cour centrale à la curie, juges
délégués, etc.), la diplomatie (et en particulier
le rôle des légats). Tout cela doit néanmoins
être considéré dans le contexte plus large
des formes de pacification de la société occidentale
assumées par les détenteurs de la puissance publique,
par les évêques (traditionnellement chefs de la
communauté chrétienne, soit toute la population
dans leur diocèse), etc. Les questions de la Paix de
Dieu, de la Paix du prince, de la croisade, des législations
synodales, des officialités, etc., pourraient ainsi être
reprises dans cette optique, ainsi que les expressions rituelles
et procédurales des hiérarchies. Les rapports
entre papauté et collégialité épiscopale,
entre pouvoir religieux et pouvoir séculier peuvent être
de nouveau appréhendés à partir des questions
suivantes : qui est la source du sacré ? Qui assure la
paix dans la societas christiana ? Qui en garantit l'unité
? A l'intérieur même du monde ecclésiastique,
le problème rebondit lorsque l'institution papale montre
des signes d'incapacité à réaliser cette
mission assignée et revendiquée. La crise conciliariste
propose en effet la collégialité (épiscopale,
mais une collégialité plus large avec la montée
en puissance des universités et des nations) non seulement
comme moyen de remédier aux dysfonctionnements de la
monarchie papale, mais comme expression de l'unité du
monde chrétien régulé (et donc pacifié)
par la réunion périodique des assemblées
représentatives.
D'une manière générale, la recherche entend
se montrer attentive à l'inventaire et l'étude
des sources disponibles sur les formes et l'exercice de l'autorité
dans l'Eglise, sachant que l'idée de paix reste l'objectif
avoué sinon réalisé des systèmes
hiérarchiques proposés ou imposés et que
cela engendre des redéfinitions des équilibres
ecclésiologiques.
Dans ce cadre général, trois enquêtes, donnant
lieu à une ou des rencontres, seront suscitées.
- La consécration au
Moyen Âge
Il s'agit là d'un projet mené en partenariat
avec l'Ecole française de Rome par Fabrice Delivré.
En restant toujours attentif à l'environnement terminologique
et lexical, dont le référent ultime est la célébration
eucharistique, il faudra s'interroger sur la consécration
en tant que phénomène de translation, de conversion,
de changement d'état (status) impliquant un
rapport dialectique entre la personne du consécrant
/ consécrateur, ce qui soulève d'emblée
la question primordiale de la médiation, et les diverses
entités destinées à la consécration,
qu'il s'agisse d'individus, de territoires ou d'objets. Sans
souci d'exhaustivité, le projet devrait facilement
s'articuler en trois volets, quitte à ménager
des points de convergence.
Une première direction de travail pourrait s'attacher
aux personnes consacrées. Accordant une place importante
à la consécration des prélats (évêques,
prêtres et religieux), cet axe de recherche s'intéressera
également à la spécificité des
figures souveraines (papes, empereurs et rois) - en particulier
aux évolutions rituelles et aux ambivalences sémantiques
(consécration, sacre, couronnement) - ainsi qu'à
la place des laïcs, en qualité de bénéficiaires
et d'agents de la consécration (oblats, serfs d'église,
donnés etc.). L'intérêt pour les dimensions
territoriale et monumentale conduira à appréhender
la notion de lieux consacrés, qu'il faudra interroger
à diverses échelles : celle de l'édifice
ecclésial et du sanctuaire (consécration d'autels
et de cimetières, conversion de mosquées en
églises), celle des espaces saufs et exempts, dans
leurs rapports à l'espace consacré, celle d'espaces
plus vastes, royaumes donnés en fiefs au Siège
apostolique - on parle d'oblatio regni - ou Terre Sainte.
Dessinant un vaste domaine, la question des objets et biens
consacrés orienterait directement vers les échanges
matériels et immatériels qui caractérisent
l'économie de l'institution ecclésiale : de
la consécration des objets du culte, des parures liturgiques
et des armes - qui assurent la commémoration du sacrifice
du Christ autant que l'unité chrétienne - jusqu'aux
donations de terres, aux aumônes et aux fondations de
messes, perçus comme des instruments de la circulation
entre les mondes des vivants et des défunts.
Sur ce champ de recherche neuf, citons parmi les intervenants
possibles lors d'une table ronde: Dominique Barthélemy
(Paris IV), Philippe Buc (Stanford), Pascal Buresi (CNRS),
Jacques Chiffoleau (EHESS), Fabrice Delivré (Paris-I/EFR),
Dominique Iogna-Prat (CNRS), Michel Lauwers (Nice), Didier
Méhu (Laval, Québec), Charles de Miramon (EHESS),
Pascal Montaubin (Amiens), Éric Palazzo (Poitiers),
Agostino Paravicini-Bagliani (Lausanne), Yann Potin (Paris-I/ENC),
Barbara Rosenwein (Loyola, Chicago), Jean-Claude Schmitt (EHESS),
Cécile Treffort (Poitiers), Catherine Vincent (Paris
X).
- Les légats pontificaux du
XIe au XVIe siècle
Pascal Montaubin a entrepris une enquête sur les légats
pontificaux du XIe au XVIe siècle. La figure du légat
se place à la charnière entre les revendications
des papes à disposer de certaines prérogatives
de gouvernement et leurs capacités concrètes
à les exercer (problème de la médiation
du pouvoir, des rapports centre/périphérie).
D'un point de vue plus anthropologique, le légat "
a latere " invite à reconsidérer les rapports
entre le corps qu'est l'Eglise et la tête, la papauté.
Une telle entreprise suppose que soit tissée une collaboration
internationale entre plusieurs partenaires institutionnels,
au premier rang desquels il faut citer : I.R.H.T. ; Archives
nationales, Paris ; Ecole Nationale des Chartes ; Université
de Picardie (Laboratoire d'archéologie et d'histoire)
; Ecole Française de Rome ; l'Institut für Österreichische
Geschichtsforschung de Vienne ; Istituto Storico Austriaco
de Rome ; Istituto storico germanico de Rome ; Institut Historique
Belge de Rome ; A. Paravicini Bagliani et l'Université
de Lausanne ; Maria-Pia Alberzoni et l'Université catholique
de Milan ; au Vatican, l'Archivio Segreto, la Biblioteca apostolica,
le Père Pierre Blet et le Pontificio Comitato di Scienze
Storiche.
Une série de rencontres sont à programmer. Les
sources produites par les légats pourraient d'abord
faire l'objet d'une journée d'étude à
part entière. Parmi les questions à analyser
: rapport aux bénéficiaires des actes et formation
d'une chancellerie propre au cours des siècles, diplomatique
(forme des actes, modèles curiaux), sceaux, constitution
et conservation des archives propres à la légation,
traces de discours et de sermons, etc., ainsi que les sources
sur les légats (lettres pontificales, chroniques, archives
ecclésiastiques locales et archives princières,
etc.).
D'autres
rencontres, voire un véritable colloque, pourrait ensuite
traiter de plusieurs thèmes :
les pouvoirs des légats :
différents types de représentants (legati, nuntii,
etc.) et implications ecclésiologiques (part de la
plenitudo potestatis déléguée, place
du légat entre pape et évêques ; en particulier
durant la crise conciliariste) ; pouvoirs juridiques (le légat
comme petit pape, faculté de distribuer des grâces
et dispenses) ; manifestations symboliques (insignes, escorte,
cérémonies des nominations, entrées,
retour en curie, etc.).
les revenus des légats (procurations, cadeaux,
parts des taxes papales, etc.) :
articulation entre représentation diplomatique/fiscalité
papale/politique bénéficiale/indulgences ; manière
dont cette forme de centralisation pontificale est ressentie
dans les églises locales.
leur rôle pacificateur :
diplomatie politique (résolution des conflits, prévention
des guerres ; problème de la croisade), juridiction
propre ; questions linguistiques.
le programme papal et la liberté personnelle
du légat :
liaisons entre légats et curie romaine (instructions
et rapports, délai de cheminement des nouvelles).
légat et réforme de l'Eglise : pouvoirs
de correction, réunion de conciles locaux, promulgation
de législations particulières, constitutions
données à des institutions (églises et
monastères, universités), etc.
l'entourage des légats (familiers, officiers),
aspects domestiques, liturgiques et administratifs, train
de vie (et son impact sur les populations locales)
la manière de considérer la chrétienté
:
la géographie des légations, l'itinéraire
des légats
l'union avec les Grecs, la croisade, enfin, deux
thèmes connexes, intéressants à aborder
par le biais des légats.
Le
sixième centenaire du concile de Perpignan (1408)
A
la demande de la Ville de Perpignan, Hélène
Millet a organisé un colloque international destiné
à célébrer le sixième centenaire
du concile de Perpignan, qui se tiendra à Perpignan
du 24 au 26 janvier 2008.
Cette assemblée, réunie par le pape d'Avignon
Benoît XIII en vue de contrer la réunion du concile
convoqué à Pise pour 1409 par les cardinaux
unionistes des deux obédiences, n'a guère été
étudiée. On la tient généralement
pour une tentative sans lendemain d'un pontife déjà
aux abois. L'historiographie catholique a préféré
ignoré cette manifestation d'une obédience avignonnaise
a posteriori jugée schismatique. Il n'y a guère
qu'en Espagne où le souvenir de Benoît XIII soit
pieusement cultivé. Il est symptomatique qu'à
Perpignan, le concile soit appelé " concile de
la Réal ", du nom de l'église où
il s'est réuni.
Le déroulement du concile est fort mal connu dans la
mesure où les actes officiels reproduisent in extenso
le discours fleuve destiné à justifier les actes
de Benoît XIII jusqu'en 1408 et où les séances
dévolues aux discussions n'y sont que très brièvement
résumées. Il sera donc accordé une grande
place dans le colloque à la présentation des
autres sources auxquelles il faut recourir pour lever un coin
du voile sur des négociations extrêmement serrées
qu'on a voulu tenir secrètes.
- Le sixième centenaire du concile
de Pise (1409)
En 2009, le sixième centenaire de la tenue du concile
de Pise constituera un terme vers lequel pourront converger
les efforts. Bien que cette assemblée ait marqué
le début de la réconciliation entre les deux
obédiences, romaine et avignonnaise, créées
par la double élection de 1378, elle a particulièrement
été malmenée par l'historiographie officielle
catholique qui ne lui pardonne pas d'avoir commencé
par appeler les fidèles à la désobéissance.
Le jugement et la déposition des deux papes rivaux
a été l'occasion d'une féconde remise
en cause ecclésiologique. Il s'agit là d'un
poste d'observation idéale sur l'Eglise, corps social,
à la fin du Moyen Age.
Une réflexion sur l'obéissance au Moyen Âge,
que Fabrice Delivré envisage de susciter en partenariat
avec l'EHESS, l'université de Lyon II et celle de Montpellier-III,
pourra constituer une sorte de préliminaire au colloque
international auquel doit nécessairement aboutir la
commémoration d'un événement majeur comme
la tenue d'un concile cuménique.
Dans ce but, Gabriella Rossetti, Mauro Ronzani et Cesare Alzati,
professeurs à l'Université de Pise, ont pris
l'initiative de former un Comité scientifique pour
demander la création d'un Comitato Nazionale au Ministero
per i Beni e le Attività Culturali. Outre nos trois
collègues pisans, ce Comité scientifique est
composé de Walter Brandmüller (Pontificio Comitato
di Scienze Storiche), Dieter Girgensohn (Max Planck Institut),
Claudio Leonardi (SISMEL), Giorgio Picasso (Università
Cattolica di Milano) et Hélène Millet. Le projet
a reçu le patronage de la Società Internazionale
per lo Studio del Medioevo Latino (SISMEL) di Firenze et de
la Facoltà di Lettere dell'Università Cattolica
di Milano. Il prévoit quatre séminaires préparatoires
au colloque commémoratif de 2009.
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