L'Église, corps social
responsable Hélène Millet
le 20 janvier 2009

 

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équipe
séminaire

PICRI- Meaux

Bilan 2004-2009

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2001-2004





Les Fasti Ecclesiae Gallicanae : Hélène Millet
Les églises collégiales de France : Anne Massoni-Hubert
Les évêques et la fonction épiscopale : Véronique Julerot, Christine Barralis, Fabrice Delivré
- Les collèges et les universités : Jean-Philippe Genet
La consécration au Moyen Âge : Fabrice Delivré
Les légats pontificaux du XIe au XVIe siècle : Pascal Montaubin
- Le sixième centenaire du concile de Perpignan (1408) Hélène Millet
Le sixième centenaire du concile de Pise (1409) : Hélène Millet

Depuis leur création, en 1991, par Hélène Millet, les Fasti Ecclesiae Gallicanae ont permis de faire émerger quantité de questions relatives à l'insertion des ecclésiastiques dans la société médiévale. L'étude du milieu des chanoines des cathédrales a fini par déborder sur la population voisine des chanoines de collégiales. Les suites du colloque international " Suppliques et requêtes " - qui s'est tenu à Rome en 1998 et dont les actes ont paru en 2003 - ainsi que les relations nouées avec les équipes " sœurs " que sont les Fasti Ecclesiae Anglicanae, l'Helvetia sacra et les Fasti Ecclesiae Portugaliae créent autant d'opportunités de prolonger la recherche à l'échelon international. Plusieurs thèses de doctorat ou des travaux d'habilitation menés soit dans le cadre du LAMOP soit en partenariat avec Hélène Millet portent sur des sujets qui conjuguent recherches sur les personnes et sur les institutions ecclésiastiques. C'est pourquoi il a paru opportun de créer une structure de coordination susceptible de soutenir l'essor de ce secteur de la recherche.

Deux grandes orientations seront privilégiées : l'étude des individus et, tout particulièrement, celle du corps épiscopal, des chanoines et de leurs chapitres, et celle de notions essentielles à la cohésion du corps ecclésial telles que l'ordre, la hiérarchie et l'autorité.

I Les individus et leurs institutions

Dans cette section prennent place deux groupes bien structurés, les Fasti Ecclesiae Gallicanae et les Collégiales de France, un programme en voie de constitution sur les évêques et la fonction épiscopale ainsi que la poursuite de travaux sur les collèges et les universités.

- les Fasti Ecclesiae Gallicanae
D'abord constitué en GDR autonome puis inclus dans un GDR à vocation fédérative, le programme Fasti Ecclesiae Gallicanae fait actuellement partie du GDR 2513, SALVÉ. Il dispose d'un site web (http://fasti.univ-paris1.fr) auquel sera renvoyé le lecteur soucieux d'en connaître le détail. Il mobilise une centaine de chercheurs, dans leur presque totalité extérieurs au LAMOP, certains débutants dans la recherche, les autres déjà parvenus à l'âge de l'éméritat, parmi lesquels une trentaine a reçu la responsabilité de mener à bien la publication d'un fascicule diocésain, sur le modèle des neuf livres déjà parus (collection Fasti Ecclesiae Gallicanae aux éditions Brepols). Parmi les diocèses pour lesquels la recherche est déjà bien avancée, on peut citer

.Auch (Françoise Merlet-Bagneris),
.Autun (Jacques Madignier),
.Avignon (Anne-Marie et Michel Hayez),
.Châlons-en-Champagne (Sylvette Guilbert),
.Chartres (Pierre Desportes et Pascal Montaubin),
.Clermont (Henri Hours), Mâcon (Denyse Riche),
.Meaux (Christine Barralis),
.Poitiers (Laurent Vallière),
.Riez (Thierry Pécout),
.Sens (Vincent Tabbagh)

et d'autres encore que détaille la rubrique " collaborateurs " du site web consacré au programme :
Mais aucun ne peut espérer parvenir à bonne fin avant l'année 2006, si bien que 2005, année sans parution de fascicule, pourra être consacrée par Hélène Millet à la réalisation et à publication, sous une forme qui reste encore à déterminer avec l'éditeur, de la base de données cumulée pour les neuf diocèses ayant chacun déjà fait l'objet d'un livre séparé (Amiens, Rouen, Reims, Besançon, Agen, Rodez, Angers, Mende, Sées). La possibilité de saisir dans son ensemble une population d'environ 8000 ecclésiastiques ouvrira évidemment des perspectives nouvelles qu'il conviendra d'explorer, en particulier durant les réunions de travail bisannuelles des membres de l'équipe. En attendant, celle de l'été 2005 sera jumelée avec une journée d'initiation aux livres liturgiques, assurée par Jean-Baptiste Lebigue (IRHT).

- Les collégiales de France
Dans la suite de sa thèse de doctorat sur l'église collégiale de Saint-Germain l'Auxerrois de Paris, soutenue en 2001, Anne Massoni-Hubert a formé un groupe d'une quinzaine de chercheurs qui a pour projet actuel de dresser le répertoire des collégiales séculières de France entre 817 et 1530.

Ce groupe se réunit deux fois par an pour faire le point sur l'avancée du travail commun. Celui-ci consiste en l'établissement d'une base de données donnant les principales caractéristiques de chaque établissement recensé. Dans ce but, chaque chercheur doit avoir dépouillé un certain nombre de sources qui constituent un minimum commun de documentation. Ces sources sont les suivantes : pouillés, comptes de décimes, lettres pontificales publiées pour les XIIIè et XIVè siècles, comptes-rendus des visites pastorales (quand ils existent), répertoires numériques des Archives Départementales, pièces justificatives publiées dans les Instrumenta des volumes du Gallia Christiana et dans la bibliographie existant sur l'histoire du diocèse étudié, bibliographie générale sur les collégiales répertoriées et sources propres à celles-ci.

Les champs définis pour la base de données sont au nombre de onze :

.la date de fondation de la collégiale
.sa localité
.son vocable
.sa province ecclésiastique
.son diocèse
.son fondateur
.son état antérieur
.le nombre de ses chanoines
.son patron
.le collateur de ses prébendes
.et sa date de disparition.

Pour l'instant, les diocèses couverts représentent environ la moitié du territoire de la France, définie à peu près dans ses frontières actuelles. Ils correspondent aux spécialités régionales de chacun des collaborateurs. Ce sont six cents établissements qui ont été recensés et il semble qu'il faille au moins une année complète de travail pour que l'ensemble des églises des dits diocèses soient pointées. Le groupe a également prévu d'établir une carte pour localiser les établissements mais la réflexion est sans cesse à mener pour qu'elle conserve sa lisibilité dans un format commode à consulter. Il faudra enfin rédiger une longue introduction à l'ouvrage, pour préciser les problèmes de terminologie, les sources consultées, justifier les cadres chronologiques et géographiques, esquisser les premiers éléments de synthèse apparaissant au travers de la base.

Il restera ensuite à compléter la base, soit en recrutant de nouveaux collaborateurs, soit en confiant de nouveaux travaux aux chercheurs actuels. Il est impossible de dire pour l'instant quel est le nombre exact des collégiales qui seront recensées et donc d'évaluer précisément l'ampleur du travail qui reste à mener. Néanmoins, il semble raisonnable de tabler sur encore quatre ans de travail pour faire aboutir le projet. De nouveaux contacts sont d'ores et déjà établis pour l'avenir avec des chercheurs français, en particulier pour les diocèses non traités de la province de Bordeaux, pour celui de Mende et pour les diocèses limitrophes de la frontière suisse. Une collaboration plus institutionnelle a déjà été envisagée avec l'équipe d'accueil EA 1086 CERHILIM de l'université de Limoges.

Cette synthèse vise tout d'abord à faire apparaître l'implantation géographique et les vagues de fondations de ces églises qui représentent un très grand nombre d'établissements, fondés tout au long du Moyen Âge et encore au début de l'époque moderne, dans tous les diocèses de France. Elle permet la distinction claire de types d'établissements aux fonctions évolutives suivant l'époque de leur fondation. Sans sa forme actuelle, la base de données laisse déjà apparaître des vagues de fondation repérables, correspondant à des types de collégiales bien différents. Ce travail peut répondre à plusieurs problématiques. Celle d'abord de la construction d'une hiérarchie religieuse à l'échelle "nationale", d'un complexe échafaudage de dépendances entre établissements, de relations entre maisons séculières et maisons régulières et celle d'un réseau d'églises par "couches" successives, d'une adaptation progressive aux nécessités de l'encadrement pastoral à différentes échelles : provinces, diocèses, archidiaconés, villes, etc … Celle ensuite de mouvements de réforme propres au clergé canonial, par transformations d'abbayes, de prieurés en collégiales et inversement. On y aborde également la diversité des conditions au sein du clergé : chanoines, auxiliaires de tout type et passerelles entre les conditions, différences entre nord et sud, ville et campagne, grands établissements prestigieux et collégiales minuscules. Ces églises sont aussi les relais des dévotions, surtout aux reliques et aux saints locaux et un lieu d'observation de l'évolution du culte marial, de la prise en charge de l'attention croissante aux âmes des défunts. Elles permettent enfin d'étudier les relations entretenues avec le pouvoir temporel, royal, princier, seigneurial par le biais de l'exaltation dynastique, des interventions dans le système bénéficial, ainsi que des partages et négociations avec les autorités ecclésiastiques. La publication de ce répertoire vise donc à donner un outil de travail complet à tous les personnes travaillant sur une catégorie d'églises médiévales encore méconnue.

- Les évêques et la fonction épiscopale
Plusieurs des thèses soutenues ou engagées par des membres du LAMOP (Christine Barralis, Fabrice Delivré, Véronique Julerot, Pascal Montaubin et Émilie Rosenblieh) traitent plus ou moins directement des évêques et de leur rôle au sein de la société. Il apparaît donc possible et souhaitable que la recherche à leur propos se fasse de façon concertée, d'abord sous forme de rencontres de travail au sein même du laboratoire.

Dans un premier temps, le problème des élections épiscopales, particulièrement bien étudié par Véronique Julerot, constituera un thème fédérateur.

L'Église de France du XVe siècle offre un exemple unique de renouveau des élections épiscopales face à la centralisation bénéficiale romaine : une pratique qui se développe dans le cadre du Grand Schisme - et en particulier, durant les périodes inédites de la soustraction d'obédience et de la neutralité - pour connaître son paroxysme sous le régime de la Pragmatique Sanction (1438), qui reste un point de référence tout au long du siècle, au-delà des apparentes vicissitudes de l'ordonnance royale et jusqu'à sa suppression par le Concordat de Bologne (1516) : nous sommes en présence d'un mode de promotion des évêques tout à fait cohérent et raisonné, en dépit des inévitables aménagements et improvisations et du ferme maintien de la provision apostolique. Un domaine bien circonscrit mais délaissé par l'historiographie, soit que la provision pontificale ait mobilisé toutes les énergies [Barraclough (1935), Klaus Ganzer (1968), Michèle Bégou-Davia (1997)] soit que les élections épiscopales aient été abordées pour des époques antérieures (IXe-XIIIe siècle) [Pierre Imbart de La Tour (1890), Johannes Baptist Sägmüller (1908), Marcel Pacaut (1957), Robert Benson (1968), Jean Gaudemet (1979)], soit, enfin, que les historiens de l'Église de France du XVe siècle [Valois (1896-1902, 1906), Gazzaniga (1976)] ne s'y soient pas intéressés autant qu'on imagine.

Dans un premier temps, il conviendra de mener une réflexion sur la nature des sources à disposition et d'en faire l'inventaire (procès-verbaux d'élection, mandements royaux, registres de la chancellerie pontificale, épaves du Consistoire, Obligationes et Solutiones, Introitus et Exitus, registres de plaidoiries, de délibérations et d'arrêts des Parlements de Paris, Toulouse et Bordeaux, discours, traités polémiques etc.), recensement des élections (avec cartographie, nuances temporelles et spatiales, chanoines réguliers/séculiers), mise à jour des répertoires vieillis d'Eubel (1913-1914) et d'Hoberg (1949) tout en fournissant de la matière aux notices épiscopales des Fasti Ecclesiae Gallicanae, confrontation des points de vue parlementaire et pontifical. Autre aspect privilégié, la dimension juridique et judiciaire. Il faudra insister ici sur le droit des élections, des confirmations et des consécrations véhiculé par le Décret de Gratien, les décrétistes, les décrétales, les décrétalistes, les Summae de electione - avec d'indispensables éclairages sur la formalisation du XIIIe siècle, jusque dans ses prolongements coercitifs : il s'agira en somme de comprendre comment les réformateurs ont pensé le retour aux " anciens usages " et à l'Église primitive - le Décret de Gratien face au jus novum des décrétales - tout en s'inscrivant dans un monde normatif nouveau (compétence des tribunaux séculiers, procédure pétitoire / possessoire, administration de l'évêché etc. ).
Cette approche mettra en lumière la recherche de la légitimité et de l'autorité - dans un dialogue constant avec les formes institutionnelles antérieures -, la redistribution des équilibres ecclésiologiques au travers de l'élection, de la quête du confirmateur et du consécrateur, et le renouveau des prérogatives attribuées aux chapitres et aux instances ordinaires (suffragants, métropolitains, primats). En parallèle, on devra s'interroger sur le rôle des assemblées du clergé de France et des conciles de l'unité, où s'élabore une authentique juridiction en matière bénéficiale. La volonté de réforme, si souvent affichée, sera mesurée à l'aune de l'observation des affrontements locaux entre élus et pourvus et celle de la composition entre les élus des chapitres et l'institution pontificale (cassation des élections, provision déguisée en confirmation, devenir du jus pallii etc.).

- Les collèges et les universités


II Les principes

La seconde orientation développée dans l'axe portera sur quelques principes fondamentaux du fonctionnement du corps ecclésial et de la société chrétienne dans son ensemble. Les travaux seront coordonnés par deux chercheurs, Pascal Montaubin et Fabrice Delivré, l'un ancien, l'autre nouveau membre de l'Ecole française de Rome. Sans négliger l'histoire des idées, il sera surtout question d'observer la manière dont les principes d'ordre et de hiérarchie ont été mis en application. Une enquête sur les légats, leurs pouvoirs, la mise en scène de leurs actes et de leurs déplacements et une autre sur la consécration, que ce soit celles de l'hostie ou celles des hommes et des lieux, seront lancées.

L'Eglise, dans son acception la plus large, est considérée par les théologiens comme la société parfaite par excellence. Dans sa réalité terrestre, elle présente des visages qui ont varié au gré des vicissitudes historiques, rediscutant les modèles culturels qui président à l'établissement des hiérarchies et modifiant les formes et l'exercice de l'autorité dans son organisation. La restructuration ecclésiologique profonde engagée par la réforme dite " grégorienne " à partir du XIe siècle se caractérise entre autres par l'affirmation de la monarchie pontificale (" théocratie ") qui revendique de manière renouvelée la charge de garantir la paix entre tous les chrétiens et de les ramener à l'unité dans son giron.

Du milieu du XIe siècle (schisme du 1054 entre Rome et Constantinople, emblématique à plus d'un titre) aux réformes protestantes du XVIe siècle, qui contestent radicalement l'ecclésiologie grégorienne et conduisent l'Eglise catholique à se repositionner lors du Concile de Trente, c'est bien la place de la tête par rapport aux membres qui suscite de vifs débats dans le corps de l'Eglise que composent tous les chrétiens. C'est aussi la place que peut ou doit occuper le clergé (séculiers et réguliers au sens large) par rapport aux laïcs dans la societas christiana qui divise et provoque des conflits, sachant qu'il n'y a pas d'espace prévu dans le monde idéal médiéval pour l'épanouissement des non chrétiens (juifs, musulmans, ou autres hérétiques et païens) et encore moins pour le développement des idées athées.

La recherche de l'unité des chrétiens (symbolisée par la tunique sans couture du Christ) constitue un objectif impératif sans cesse poursuivi depuis le début du christianisme. Elle prend, à partir du XIe siècle surtout, une forme particulière avec le thème de la reductio ad unum au profit de l'Eglise romaine (juridiction, législation, pouvoirs, théologie, liturgie, etc.). Cette problématique historique devrait servir de fil conducteur à une vaste réflexion embrassant le devenir de la société occidentale médiévale, dans les relations entre ses composantes (clercs/laïcs, papauté/épiscopat, séculiers/réguliers/mendiants, pouvoir princier/pouvoir ecclésiastique, etc.), mais aussi dans ses rapports avec les non-catholiques.

Cette volonté de parvenir à l'unité de l'humanité dans la foi chrétienne romaine se manifeste dans des processus variés et concomitants, oscillant entre des procédures de règlements des conflits à l'intérieur du monde catholique et des formules souvent plus violentes pour intégrer ou exclure les non-catholiques (répression de l'hérésie, croisades, mais aussi missions et ébauche de dialogue, etc.).

En Europe occidentale et depuis ce territoire, la papauté monarchique revendique explicitement la charge de construire l'unité de l'humanité vouée à se rassembler dans la religion du Christ. Il convient donc d'en examiner les moyens, d'en préciser les présupposés idéologiques et d'en mesurer l'efficacité historique. On pourrait en priorité s'attacher à certains modes de pacification et de régulation de la société : la législation canonique alors extrêmement vivaces (en particulier le jus novum des décrétales), la juridiction romaine (cour centrale à la curie, juges délégués, etc.), la diplomatie (et en particulier le rôle des légats). Tout cela doit néanmoins être considéré dans le contexte plus large des formes de pacification de la société occidentale assumées par les détenteurs de la puissance publique, par les évêques (traditionnellement chefs de la communauté chrétienne, soit toute la population dans leur diocèse), etc. Les questions de la Paix de Dieu, de la Paix du prince, de la croisade, des législations synodales, des officialités, etc., pourraient ainsi être reprises dans cette optique, ainsi que les expressions rituelles et procédurales des hiérarchies. Les rapports entre papauté et collégialité épiscopale, entre pouvoir religieux et pouvoir séculier peuvent être de nouveau appréhendés à partir des questions suivantes : qui est la source du sacré ? Qui assure la paix dans la societas christiana ? Qui en garantit l'unité ? A l'intérieur même du monde ecclésiastique, le problème rebondit lorsque l'institution papale montre des signes d'incapacité à réaliser cette mission assignée et revendiquée. La crise conciliariste propose en effet la collégialité (épiscopale, mais une collégialité plus large avec la montée en puissance des universités et des nations) non seulement comme moyen de remédier aux dysfonctionnements de la monarchie papale, mais comme expression de l'unité du monde chrétien régulé (et donc pacifié) par la réunion périodique des assemblées représentatives.

D'une manière générale, la recherche entend se montrer attentive à l'inventaire et l'étude des sources disponibles sur les formes et l'exercice de l'autorité dans l'Eglise, sachant que l'idée de paix reste l'objectif avoué sinon réalisé des systèmes hiérarchiques proposés ou imposés et que cela engendre des redéfinitions des équilibres ecclésiologiques.

Dans ce cadre général, trois enquêtes, donnant lieu à une ou des rencontres, seront suscitées.


- La consécration au Moyen Âge
Il s'agit là d'un projet mené en partenariat avec l'Ecole française de Rome par Fabrice Delivré. En restant toujours attentif à l'environnement terminologique et lexical, dont le référent ultime est la célébration eucharistique, il faudra s'interroger sur la consécration en tant que phénomène de translation, de conversion, de changement d'état (status) impliquant un rapport dialectique entre la personne du consécrant / consécrateur, ce qui soulève d'emblée la question primordiale de la médiation, et les diverses entités destinées à la consécration, qu'il s'agisse d'individus, de territoires ou d'objets. Sans souci d'exhaustivité, le projet devrait facilement s'articuler en trois volets, quitte à ménager des points de convergence.

Une première direction de travail pourrait s'attacher aux personnes consacrées. Accordant une place importante à la consécration des prélats (évêques, prêtres et religieux), cet axe de recherche s'intéressera également à la spécificité des figures souveraines (papes, empereurs et rois) - en particulier aux évolutions rituelles et aux ambivalences sémantiques (consécration, sacre, couronnement) - ainsi qu'à la place des laïcs, en qualité de bénéficiaires et d'agents de la consécration (oblats, serfs d'église, donnés etc.). L'intérêt pour les dimensions territoriale et monumentale conduira à appréhender la notion de lieux consacrés, qu'il faudra interroger à diverses échelles : celle de l'édifice ecclésial et du sanctuaire (consécration d'autels et de cimetières, conversion de mosquées en églises), celle des espaces saufs et exempts, dans leurs rapports à l'espace consacré, celle d'espaces plus vastes, royaumes donnés en fiefs au Siège apostolique - on parle d'oblatio regni - ou Terre Sainte. Dessinant un vaste domaine, la question des objets et biens consacrés orienterait directement vers les échanges matériels et immatériels qui caractérisent l'économie de l'institution ecclésiale : de la consécration des objets du culte, des parures liturgiques et des armes - qui assurent la commémoration du sacrifice du Christ autant que l'unité chrétienne - jusqu'aux donations de terres, aux aumônes et aux fondations de messes, perçus comme des instruments de la circulation entre les mondes des vivants et des défunts.

Sur ce champ de recherche neuf, citons parmi les intervenants possibles lors d'une table ronde: Dominique Barthélemy (Paris IV), Philippe Buc (Stanford), Pascal Buresi (CNRS), Jacques Chiffoleau (EHESS), Fabrice Delivré (Paris-I/EFR), Dominique Iogna-Prat (CNRS), Michel Lauwers (Nice), Didier Méhu (Laval, Québec), Charles de Miramon (EHESS), Pascal Montaubin (Amiens), Éric Palazzo (Poitiers), Agostino Paravicini-Bagliani (Lausanne), Yann Potin (Paris-I/ENC), Barbara Rosenwein (Loyola, Chicago), Jean-Claude Schmitt (EHESS), Cécile Treffort (Poitiers), Catherine Vincent (Paris X).

- Les légats pontificaux du XIe au XVIe siècle
Pascal Montaubin a entrepris une enquête sur les légats pontificaux du XIe au XVIe siècle. La figure du légat se place à la charnière entre les revendications des papes à disposer de certaines prérogatives de gouvernement et leurs capacités concrètes à les exercer (problème de la médiation du pouvoir, des rapports centre/périphérie). D'un point de vue plus anthropologique, le légat " a latere " invite à reconsidérer les rapports entre le corps qu'est l'Eglise et la tête, la papauté.

Une telle entreprise suppose que soit tissée une collaboration internationale entre plusieurs partenaires institutionnels, au premier rang desquels il faut citer : I.R.H.T. ; Archives nationales, Paris ; Ecole Nationale des Chartes ; Université de Picardie (Laboratoire d'archéologie et d'histoire) ; Ecole Française de Rome ; l'Institut für Österreichische Geschichtsforschung de Vienne ; Istituto Storico Austriaco de Rome ; Istituto storico germanico de Rome ; Institut Historique Belge de Rome ; A. Paravicini Bagliani et l'Université de Lausanne ; Maria-Pia Alberzoni et l'Université catholique de Milan ; au Vatican, l'Archivio Segreto, la Biblioteca apostolica, le Père Pierre Blet et le Pontificio Comitato di Scienze Storiche.

Une série de rencontres sont à programmer. Les sources produites par les légats pourraient d'abord faire l'objet d'une journée d'étude à part entière. Parmi les questions à analyser : rapport aux bénéficiaires des actes et formation d'une chancellerie propre au cours des siècles, diplomatique (forme des actes, modèles curiaux), sceaux, constitution et conservation des archives propres à la légation, traces de discours et de sermons, etc., ainsi que les sources sur les légats (lettres pontificales, chroniques, archives ecclésiastiques locales et archives princières, etc.).

D'autres rencontres, voire un véritable colloque, pourrait ensuite traiter de plusieurs thèmes :

• les pouvoirs des légats :
différents types de représentants (legati, nuntii, etc.) et implications ecclésiologiques (part de la plenitudo potestatis déléguée, place du légat entre pape et évêques ; en particulier durant la crise conciliariste) ; pouvoirs juridiques (le légat comme petit pape, faculté de distribuer des grâces et dispenses) ; manifestations symboliques (insignes, escorte, cérémonies des nominations, entrées, retour en curie, etc.).
• les revenus des légats (procurations, cadeaux, parts des taxes papales, etc.) :
articulation entre représentation diplomatique/fiscalité papale/politique bénéficiale/indulgences ; manière dont cette forme de centralisation pontificale est ressentie dans les églises locales.
• leur rôle pacificateur :
diplomatie politique (résolution des conflits, prévention des guerres ; problème de la croisade), juridiction propre ; questions linguistiques.
• le programme papal et la liberté personnelle du légat :
liaisons entre légats et curie romaine (instructions et rapports, délai de cheminement des nouvelles).
• légat et réforme de l'Eglise : pouvoirs de correction, réunion de conciles locaux, promulgation de législations particulières, constitutions données à des institutions (églises et monastères, universités), etc.
• l'entourage des légats (familiers, officiers), aspects domestiques, liturgiques et administratifs, train de vie (et son impact sur les populations locales)
• la manière de considérer la chrétienté :
la géographie des légations, l'itinéraire des légats
• l'union avec les Grecs, la croisade, enfin, deux thèmes connexes, intéressants à aborder par le biais des légats.

Le sixième centenaire du concile de Perpignan (1408)

A la demande de la Ville de Perpignan, Hélène Millet a organisé un colloque international destiné à célébrer le sixième centenaire du concile de Perpignan, qui se tiendra à Perpignan du 24 au 26 janvier 2008.
Cette assemblée, réunie par le pape d'Avignon Benoît XIII en vue de contrer la réunion du concile convoqué à Pise pour 1409 par les cardinaux unionistes des deux obédiences, n'a guère été étudiée. On la tient généralement pour une tentative sans lendemain d'un pontife déjà aux abois. L'historiographie catholique a préféré ignoré cette manifestation d'une obédience avignonnaise a posteriori jugée schismatique. Il n'y a guère qu'en Espagne où le souvenir de Benoît XIII soit pieusement cultivé. Il est symptomatique qu'à Perpignan, le concile soit appelé " concile de la Réal ", du nom de l'église où il s'est réuni.
Le déroulement du concile est fort mal connu dans la mesure où les actes officiels reproduisent in extenso le discours fleuve destiné à justifier les actes de Benoît XIII jusqu'en 1408 et où les séances dévolues aux discussions n'y sont que très brièvement résumées. Il sera donc accordé une grande place dans le colloque à la présentation des autres sources auxquelles il faut recourir pour lever un coin du voile sur des négociations extrêmement serrées qu'on a voulu tenir secrètes.


- Le sixième centenaire du concile de Pise (1409)
En 2009, le sixième centenaire de la tenue du concile de Pise constituera un terme vers lequel pourront converger les efforts. Bien que cette assemblée ait marqué le début de la réconciliation entre les deux obédiences, romaine et avignonnaise, créées par la double élection de 1378, elle a particulièrement été malmenée par l'historiographie officielle catholique qui ne lui pardonne pas d'avoir commencé par appeler les fidèles à la désobéissance. Le jugement et la déposition des deux papes rivaux a été l'occasion d'une féconde remise en cause ecclésiologique. Il s'agit là d'un poste d'observation idéale sur l'Eglise, corps social, à la fin du Moyen Age.

Une réflexion sur l'obéissance au Moyen Âge, que Fabrice Delivré envisage de susciter en partenariat avec l'EHESS, l'université de Lyon II et celle de Montpellier-III, pourra constituer une sorte de préliminaire au colloque international auquel doit nécessairement aboutir la commémoration d'un événement majeur comme la tenue d'un concile œcuménique.

Dans ce but, Gabriella Rossetti, Mauro Ronzani et Cesare Alzati, professeurs à l'Université de Pise, ont pris l'initiative de former un Comité scientifique pour demander la création d'un Comitato Nazionale au Ministero per i Beni e le Attività Culturali. Outre nos trois collègues pisans, ce Comité scientifique est composé de Walter Brandmüller (Pontificio Comitato di Scienze Storiche), Dieter Girgensohn (Max Planck Institut), Claudio Leonardi (SISMEL), Giorgio Picasso (Università Cattolica di Milano) et Hélène Millet. Le projet a reçu le patronage de la Società Internazionale per lo Studio del Medioevo Latino (SISMEL) di Firenze et de la Facoltà di Lettere dell'Università Cattolica di Milano. Il prévoit quatre séminaires préparatoires au colloque commémoratif de 2009.