Economie et Société médiévale
La conjoncture de 1300 en Méditerranée occidentale
responsables Monique Bourin, François Menant,
Pascual Martínez Sopena, Carlos Laliena, John Drendel

 

programme
Conjoncture
de 1300
équipe





La notion de " crise de 1300 " et sa discussion

Ce programme s'articule en un cycle de quatre séminaires et se place dans le développement des débats autour des lectures possibles de la conjoncture économique et sociale de l'Occident entre la fin du XIIIe et du début du XIVe siècles : les travaux de Michael Postan (à partir de 1949), approfondis et nuancés en 1962 par une synthèse mémorable de Georges Duby, L'économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, ont imposé l'idée que la peste de 1348 avait frappé une Europe déjà en graves difficultés ; dans les dernières décennies du XIIIe siècle, la phase d'expansion qui durait depuis trois siècles aurait buté sur l'incapacité technique de l'agriculture à nourrir une population en constante augmentation. Les famines qui ont touché l'Europe, du Nord-Ouest surtout, au début du XIVe siècle, seraient la marque du retournement de la conjoncture. La peste n'aurait fait que porter le coup de grâce à une économie et une population déclinantes.
Ce schéma d'inspiration malthusienne a été depuis un demi-siècle admis sans guère de discussion pour l'Europe du Nord, et plus ou moins importé dans les pays méditerranéens, en concurrence avec une explication marxiste appuyée sur des présupposés analogues. Depuis quinze ans toutefois, les historiens anglo-saxons ont élaboré une nouvelle interprétation qui révise ces idées de fond en comble en donnant un rôle central à la commercialisation de la production agricole.

Un travail de relecture collective
L'entreprise menée actuellement par un groupe de médiévistes de divers pays, principalement franco-espagnol, veut vérifier si ces modèles construits sur les situations de l'Europe du Nord-ouest s'appliquent bien à l'Europe méditerranéenne. Il est indispensable, pour effectuer cette vérification, de se demander, région par région, s'il y a vraiment une "crise" autour de la Méditerranée occidentale, et comment elle se manifeste. Il faut aussi évaluer dans quelle mesure les schémas explicatifs proposés jusqu'ici par les historiens espagnols, italiens, français sont convaincants, en élucidant leurs arrière-plans théoriques. Il faut enfin chercher si l'évolution du monde méditerranéen peut être mieux comprise par la prise en compte d'autres approches que le modèle Postan-Duby, comme la " commercialisation " anglo-saxonne, l'absence de crise à laquelle concluent les archéologues, ou l'intégration à un grand marché européen, favorisée par la construction des Etats, qui a été proposée récemment comme élément décisif de l'économie du bas Moyen Âge.
Ebauchée au sein du LAMOP, le Laboratoire de Médiévistique Occidentale de Paris I), au contact de collègues espagnols, cette réflexion a rapidement rencontré celle que conduisait John Drendel à Montréal. Le premier point fort du programme a été le colloque Postan et Duby tenu à l'Université du Québec à Montréal en octobre 2002 qui a permis à quelques historiens de la Méditerranée de s'approprier l'acquis historiographique anglo-saxon et de commencer à lui confronter leurs propres idées.

Cette réflexion collective a également inspiré un ensemble de séminaires tenus à l'Ecole Normale Supérieure de Paris à partir de l'automne 2001, et qui se poursuit en 2003-2004: y sont exposées des approches qui diffèrent les unes des autres par leur champ géographique (des cas choisis à travers l'Europe), par leurs sources et leurs méthodes, et par l'image globale qu'elles donnent de la " conjoncture de 1300 ", entre crise grave et simple adaptation.

C'est dans cette perspective de diversité des situations et des analyses -allant parfois jusqu'à l'opposition radicale- que se place la suite de notre démarche commune.

La dernière étape, à la date d'aujourd'hui, en a été le séminaire qui a rassemblé en Catalogne, du 9 au 12 octobre 2003, une quinzaine de médiévistes français, espagnols, italien, américain, britannique, belge, appelés à constituer le noyau du groupe qui va mener la suite de la recherche. Cette rencontre a permis d'abord de faire un bilan historiographique critique de la question, par thèmes, par pays et par régions, et ensuite de dresser un programme de travail : autour des thèmes qui sont apparus majeurs dans la problématique, on a organisé quatre rencontres de travail qui devraient permettre, dans la série de publications qui suivra nécessairement, de présenter une image d'ensemble de la conjoncture de 1300 en Méditerranée occidentale. On espère que cette vue neuve de la conjoncture méditerranéenne identifiera les analogies et les différences avec les modèles dominants pour l'Europe du Nord, et amènera peut-être, par ricochet, une nouvelle lecture des situations septentrionales : un peu à la façon dont un illustre prédécesseur, le colloque Structures féodales et féodalisme dans l'Occident méditerranéen (Xe-XIIIe s.), organisé par l'Ecole de Rome en 1978, avait entraîné une relecture de la notion même de féodalité forgée entre Loire et Rhin.

Déroulement prévu pour le programme

Pour réaliser ce programme, on a regroupé en 4 ensembles les thèmes qui paraissent essentiels dans l'analyse de la conjoncture de 1300 en Méditerranée occidentale. On prévoit que chacune de ces 4 grandes questions donnera lieu à une rencontre de deux ou trois jours (2 jours pour la première, dont la sujet est plus restreint ; plutôt trois jours, au moins, pour les suivantes, qui regroupent un ensemble de thèmes liés entre eux), rassemblant une quinzaine de personnes qui travaillent sur l'Italie, la France méridionale et la péninsule ibérique. Certaines pourront participer à toutes les rencontres pour maintenir l'unité de la démarche, les autres se désigneront ou seront choisies selon leurs compétences pour une rencontre. Le cadre chronologique d'ensemble est a priori 1250-1350.
Chaque rencontre est organisée et dirigée par un responsable scientifique, éventuellement en collaboration avec un spécialiste d'un aspect de la question qu'il connaît moins bien.

Méthode :

- avant chaque rencontre, élaboration et diffusion à l'avance par le responsable, si possible avec l'assistance de deux ou trois autres participants, d'un questionnaire d'orientation, destiné à donner une certaine cohérence aux contributions.
- apporter des sources, pour montrer comment elles révèlent le phénomène et comment elles ont été lues par les historiens
- croisement d'études régionales et de réflexions d'ensemble sur la problématique.

Le délai d'un an entre deux rencontres devrait être coupé par une réunion restreinte de mise au point et de préparation.