Genèse de l'État moderne
Allemagne
responsable Jean Philippe Genet

 

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Nous souhaitons, en parallèle avec nos programmes sur l'Italie, développer des programmes comparatistes autour des rélaités spécifiques de l'Allemagne de la fin du Moyen Âge, et notamment autour des rapports entre les empereurs et les princes d'une part, et la société politique dans ses deux compsantes nobiliaire et urbaine. Nous avons été très heureux de nous associer à une proposition de Bruno Laurioux. De son côté, Neithard Bulst, professeur à Bielefeld et depuis longtemps associé aux recherches du LAMOP propose de nous associer aux programmes qu'il développe de son côté dans le cadre de la DFG. Les modalités de cette association sont en cours de discussion.

Pour une approche comparée des sociétés politiques en Occident : le cas des villes allemandes au Moyen Age (propositions de Pierre Monnet, Professeur d'histoire médiévale à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, chercheur associé au LAMOP).
L'enquête ici proposée s'inscrit parfaitement dans l'entreprise de la " Genèse de l'Etat moderne " ; dans ce cadre, l'observation du monde urbain des pays germaniques de l'Empire entre les XIIIe et XVe siècles s'attacherait à offrir un point de comparaison avec les autres cas de figure européens, avant tout anglais, italien et espagnol.

L'histoire urbaine allemandes des siècles finaux du Moyen Age présente des spécificités qui poussent nécessairement à des comparaisons avec des évolutions rarement semblables et plus souvent distinctes dans le reste de l'Occident. L'urbanisation est ici continue, créatrice de nouveaux centres encore assez tardivement (particulièrement aux marges orientales de l'Empire et singulièrement dans un Grand Est structuré à la fois par la construction territoriale de la principauté des Teutoniques et par l'élan commercial de l'organisation hanséatique) tandis que les vieilles installations issues de la romanité et de la christianisation, et les fondations impériales et princières carolingiennes, ottoniennes et staufiennes subissent des évolutions juridiques et sociales liées en grande partie à la princisation de l'Allemagne à compter de la fin du règne de Frédéric II. Deux horizontalités remodèlent la société politique du temps (mouvement qui n'est nullement exclusif, loin s'en faut, d'une hiérarchisation) : celle des princes entre eux et celle des villes entre elles, chacune cependant liée selon des modalités diverses à un pouvoir impérial peu à peu distingué de l'idée impériale et soumis aux modifications introduites par la greffe dynastique plurielle puis bientôt singulière des Luxembourg et des Habsbourg dont les assises se situent pour l'essentiel non au cœur mais aux marges de l'Allemagne commerciale et urbaine.

Il en résulte, à l'échelon citadin, une dynamique des polarisations sociales et spatiales aux traits originaux. La question sous-jacente qui porte l'enquête appliquée au laboratoire urbain s'articule autour d'une idée de la modernité politique et sociale : face aux princes et au roi, quels modèles de construction territoriale, identitaire, sociale ont été adoptés par les villes ; comment ces modèles ont-ils circulé ? Il va de soi que si le cas allemand se prête volontiers à la comparaison avec d'autres ensembles princiers et royaux en Occident, la comparaison reste aussi riche d'enseignements si l'on inclut dans l'analyse des modèles de variation aussi singuliers que le cas helvétique ou le cas autrichien. Dans cette Allemagne des ligues urbaines, dont la longévité doit retenir autant que les déboires, dans cet Empire où les cités ne connaissent ni podestat ni tyrannie, ne se constituent pas en bonnes villes et ne forment pas de chambre des communes, ne peuvent prétendre à faire valoir des " fueros " comme ailleurs, ne possèdent pas de territoire étendu, n'ont pas fondé d'empires commerciaux, et où les élites entretiennent avec leurs princes et les universités des relations ambiguës, une typologie peut être proposée qui combine dans un jeu à trois des éléments tels que ville forte et indépendante, ville territoriale et médiatisée, principauté forte, territoire éclaté, région de proximité ou d'éloignement royal.

Un premier terrain précis d'enquête pourrait s'attacher à observer en Allemagne mais aussi dans le reste de l'Occident les modalités de concession et de confirmation des privilèges aux villes, moment privilégié d'un dialogue, d'un rapport de forces, d'une ritualisation et d'une communication politiques, d'une expression identitaire interne et externe. Il s'agit là d'un moment politique fort révélateur de tensions et de structures qui en disent long sur le niveau de développement et les marges de manœuvre des acteurs qui y participent (on peut en dire autant du frère ennemi thématique que constitue de ce point de vu le siège urbain sur lequel une grande enquête, elle aussi de portée européenne, devrait être menée). Une table ronde sur ce thème des privilèges aux villes devrait pouvoir dégager des modèles dans l'Empire et appeler à une enquête comparative avec les autres cas européens, singulièrement en France et en Angleterre d'un côté, en Espagne et en Italie de l'autre. Une autre rencontre pourrait s'intéresser, après les études abondantes et classiques menées sur les chroniques urbaines, aux traités de bon gouvernement urbain qui fleurissent dans de nombreuses villes : s'agit-il là d'un " genre " européen ? D'où proviennent les influences de la pensée politique urbaine ? Un plus vaste projet d'enquête devrait sous-tendre et fédérer cet ensemble, auquel Pierre Monnet est actuellement particulièrement attaché, et s'intéresser au phénomène même de la ligue urbaine et de sa postérité pour la construction de l'Etat moderne : n'a-t-on pas affaire ici, au regard de l'histoire allemande (mais est-ce le seul terrain envisageable ?), au chaînon manquant qui relie le dynaste et son territoire à l'Etat moderne ?

Ce cadre ainsi posé, il n'est pas difficile d'envisager en France des collaborations réunissant des spécialistes de l'Allemagne médiévale de ce temps, Sylvain Gouguenheim (Ordre teutonique), Jean-Marie Moeglin (Allemagne princière) ou Joseph Morsel (noblesse allemande), de jeunes collègues ou des doctorants travaillant sur les villes tels que Laurence Bucholzer-Rémy (communication de Nuremberg), Dominique Adrian (patriciat d'Augsbourg sous la direction de Jean-Marie Moeglin), Julien Demade (Hôpital du saint-Esprit de Nuremberg sous la direction de Georges Bischoff), David Helm (discours et pensée politiques à Halle au XVe siècle, sous la direction de Pierre Monnet), Olivier Richard (patriciat de Ratisbonne sous la direction de Jean-Marie Moeglin)… Bien naturellement, les liens avec les spécialistes allemands sont naturels et indispensables à la conduite d'un tel chantier : Bielefeld (Neithard Bulst, Peter Schuster), Cologne (Eberhard Insenmann), Münster (Martin Kintzinger, Peter Johanek, Birgit Studt), Heidelberg (Bernd Schneidmüller), Potsdam (Heinz-Dieter Heimann), Francfort (Felicitas Schmieder), Halle (Andreas Ranft), Kiel (Gerhard Fouquet, Harm von Seggern) et Göttingen (Frank Rexroth, Caspar Ehlers).