Ce
programme a été lancé dans le cadre d'un
appel d'offre du CNRS pour une recherche interdisciplinaire
portant sur les systèmes de dénomination. Une
série de rencontres ont eu lieu en 2004, qui ont réuni
des chercheurs français, belges et israéliens.
Il doit se poursuivre et s'approfondir dans le cadre institutionnel
du LAMOP qui l'a d'abord accueilli.
Notre connaissance de la mise en place du système anthroponymique
à deux éléments, qui associe un nom de
personnel/nom de baptême/prénom à un nom
de famille/patronyme a été profondément
modifiée par l'enquête sur La genèse
médiévale de l'anthroponymie moderne, lancée
par Monique Bourin en 1987 et depuis conduite au sein du GDR
0955 (CNRS-Université de Tours), puis du LAMOP (CNRS-Université
de Paris 1). Elle en a révélé les principes
majeurs et les principales articulations. Dans le prolongement
direct de ces travaux, et avec une équipe de chercheurs
pour partie héritée de la précédente,
l'ambition de la présente enquête est de saisir
l'impact du déplacement des personnes sur le système
anthroponymique occidental en cours de formation entre IXe et
XVe siècle et d'en suivre certains aspects jusqu'à
aujourd'hui.
Les recherches antérieures avaient montré tout
l'intérêt de l'étude des zones de frontières
sans pouvoir évidemment en traiter précisément
la matière : les échanges inter-culturels y fonctionnent
même aux moments des conflits les plus âpres et
résonnent jusque dans les pays d'origine ; les transferts
de population y sont multiples et fort divers en termes d'échelle,
de densité et de modalités. L'idée est
ici de reprendre ce dossier en explorant aussi minutieusement
que possible les comportements anthroponymiques des groupes
sociaux entraînés pour une raison ou une autre,
volontaire ou forcée, structurelle ou conjoncturelle,
à se déplacer ou à s'expatrier, durablement
ou ponctuellement.
Les moments et les lieux ne manquent pas en la matière
et l'enquête ne peut prétendre à l'exhaustivité
: le choix retenu procède évidemment en partie
des disponibilités et des centres d'intérêt
des chercheurs d'une part ; il tient aussi compte de l'exigence
scientifique de couvrir largement sinon complètement
les différents types de situations possibles, les migrations
au long cours exceptionnelles comme les micro-déplacements
structurels :
-
les expéditions lointaines qui, guerrières ou
pacifiques, mettent en contact des cultures différentes
: elles sont ci présentes par les Croisades et les
Pèlerinages en Orient ;
- les entreprises de colonisation plus ou moins pérennes
et denses en terme de peuplement, représentées
ici par les royaumes latins de Terre Sainte et les terres
espagnoles de la Reconquête ;
- les changements géo-politiques intenses de la Sicile
et de l'Angleterre : la première est en quatre siècles
tour à tour arabe, normande, souabe, angevine et aragonaise
; la seconde, de 1066 à 1204, est anglo-saxonne, normande
et angevine ;
- la reconstruction des structures de peuplement dans les
campagnes et les villes françaises de la fin du Moyen
Âge, après le " temps des crises "
;
- la gestion des " ressources humaines " dans les
domaines carolingiens.
D'autre
part, dans les études antérieures, les anthropo-toponymes
ont été privilégiés, voire exclusivement
exploités, et pas toujours avec la prudence requise :
la dation du nom procède en effet d'une alchimie complexe
et ne désigne pas toujours, tant s'en faut, une réalité
directe.
Le dossier sera repris et affiné :
-
par une analyse spatiale des anthropo-toponymes recherchant
derrière le modèle radio-concentrique des "
aires d'influences " les axes de pénétration
et d'échange ;
- par une analyse des transformations linguistiques des anthropo-toponymes
(déformations dialectales, apocope, aphérèses
)
dont les rythmes peuvent marquer les étapes d'intégration
de la " nouveauté ".
L'enquête s'attachera aussi à rechercher et à
définir les autres marqueurs anthroponymiques des mobilités
:
- les variations spatiales et chronologiques dans le stock
et la typologie des noms personnels et des surnoms ;
- les modifications du système, avec l'apparition du
surnom, sa transformation en nom de famille et en patronyme
;
- les transformations linguistiques du matériel anthroponymique.
L'entreprise
s'est ainsi assuré la collaboration d'historiens médiévistes
spécialistes d'espaces géographiques et chronologiques
variés, de la Terre Sainte à la Grande Bretagne,
du IXe au XVe siècles, et celle de chercheurs (historiens,
démographes, généticiens des populations)
habitués aux périodes plus récentes avec
lesquels des études micro-régionales sur la très
longue durée seront réalisées. Elle est
enfin forte des compétences d'un linguiste et de statisticiens-informaticiens
car le projet ne peut que faire une large place à l'approche
quantitative et s'il peut s'appuyer sur les méthodes
et les acquis de l'enquête sur la genèse médiévale
de l'anthroponymie moderne et de l'expérience
Nomen et Gens, il sera nécessaire d'adapter et même
de créer de nouveaux outils de lemmatisation linguistique,
de définition des proximités/hétorogénéités
anthroponymiques et d'analyse spatiale. La conduite des travaux
est prévue en trois directions de travail.
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