Economie et Société médiévale
Anthroponymie et déplacements (IXe-XVe-XXe siècles).
Migrations-réseaux-métissages

responsable Patrice Beck

 

programme
Anthroponymie et
déplacements
équipe





Ce programme a été lancé dans le cadre d'un appel d'offre du CNRS pour une recherche interdisciplinaire portant sur les systèmes de dénomination. Une série de rencontres ont eu lieu en 2004, qui ont réuni des chercheurs français, belges et israéliens. Il doit se poursuivre et s'approfondir dans le cadre institutionnel du LAMOP qui l'a d'abord accueilli.

Notre connaissance de la mise en place du système anthroponymique à deux éléments, qui associe un nom de personnel/nom de baptême/prénom à un nom de famille/patronyme a été profondément modifiée par l'enquête sur La genèse médiévale de l'anthroponymie moderne, lancée par Monique Bourin en 1987 et depuis conduite au sein du GDR 0955 (CNRS-Université de Tours), puis du LAMOP (CNRS-Université de Paris 1). Elle en a révélé les principes majeurs et les principales articulations. Dans le prolongement direct de ces travaux, et avec une équipe de chercheurs pour partie héritée de la précédente, l'ambition de la présente enquête est de saisir l'impact du déplacement des personnes sur le système anthroponymique occidental en cours de formation entre IXe et XVe siècle et d'en suivre certains aspects jusqu'à aujourd'hui.

Les recherches antérieures avaient montré tout l'intérêt de l'étude des zones de frontières sans pouvoir évidemment en traiter précisément la matière : les échanges inter-culturels y fonctionnent même aux moments des conflits les plus âpres et résonnent jusque dans les pays d'origine ; les transferts de population y sont multiples et fort divers en termes d'échelle, de densité et de modalités. L'idée est ici de reprendre ce dossier en explorant aussi minutieusement que possible les comportements anthroponymiques des groupes sociaux entraînés pour une raison ou une autre, volontaire ou forcée, structurelle ou conjoncturelle, à se déplacer ou à s'expatrier, durablement ou ponctuellement.

Les moments et les lieux ne manquent pas en la matière et l'enquête ne peut prétendre à l'exhaustivité : le choix retenu procède évidemment en partie des disponibilités et des centres d'intérêt des chercheurs d'une part ; il tient aussi compte de l'exigence scientifique de couvrir largement sinon complètement les différents types de situations possibles, les migrations au long cours exceptionnelles comme les micro-déplacements structurels :

- les expéditions lointaines qui, guerrières ou pacifiques, mettent en contact des cultures différentes : elles sont ci présentes par les Croisades et les Pèlerinages en Orient ;
- les entreprises de colonisation plus ou moins pérennes et denses en terme de peuplement, représentées ici par les royaumes latins de Terre Sainte et les terres espagnoles de la Reconquête ;
- les changements géo-politiques intenses de la Sicile et de l'Angleterre : la première est en quatre siècles tour à tour arabe, normande, souabe, angevine et aragonaise ; la seconde, de 1066 à 1204, est anglo-saxonne, normande et angevine ;
- la reconstruction des structures de peuplement dans les campagnes et les villes françaises de la fin du Moyen Âge, après le " temps des crises " ;
- la gestion des " ressources humaines " dans les domaines carolingiens.

D'autre part, dans les études antérieures, les anthropo-toponymes ont été privilégiés, voire exclusivement exploités, et pas toujours avec la prudence requise : la dation du nom procède en effet d'une alchimie complexe et ne désigne pas toujours, tant s'en faut, une réalité directe.
Le dossier sera repris et affiné :

- par une analyse spatiale des anthropo-toponymes recherchant derrière le modèle radio-concentrique des " aires d'influences " les axes de pénétration et d'échange ;
- par une analyse des transformations linguistiques des anthropo-toponymes (déformations dialectales, apocope, aphérèses…) dont les rythmes peuvent marquer les étapes d'intégration de la " nouveauté ".
L'enquête s'attachera aussi à rechercher et à définir les autres marqueurs anthroponymiques des mobilités :
- les variations spatiales et chronologiques dans le stock et la typologie des noms personnels et des surnoms ;
- les modifications du système, avec l'apparition du surnom, sa transformation en nom de famille et en patronyme ;
- les transformations linguistiques du matériel anthroponymique.

L'entreprise s'est ainsi assuré la collaboration d'historiens médiévistes spécialistes d'espaces géographiques et chronologiques variés, de la Terre Sainte à la Grande Bretagne, du IXe au XVe siècles, et celle de chercheurs (historiens, démographes, généticiens des populations) habitués aux périodes plus récentes avec lesquels des études micro-régionales sur la très longue durée seront réalisées. Elle est enfin forte des compétences d'un linguiste et de statisticiens-informaticiens car le projet ne peut que faire une large place à l'approche quantitative et s'il peut s'appuyer sur les méthodes et les acquis de l'enquête sur la genèse médiévale de l'anthroponymie moderne et de l'expérience Nomen et Gens, il sera nécessaire d'adapter et même de créer de nouveaux outils de lemmatisation linguistique, de définition des proximités/hétorogénéités anthroponymiques et d'analyse spatiale. La conduite des travaux est prévue en trois directions de travail.