La formation des communautés d’habitants
au Moyen Âge

Perspectives historiographiques
Xanten (R.F.A.), 19-22 juin 2003

 

 

Sommaire

 

Historiographie des communautés de la France méridionale

 

Monique Bourin*

Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

 

Pas plus que d’autres régions la France méridionale [1] ne me semble avoir donné lieu à une construction du concept de communauté. L’unicité d’« une » communauté villageoise aux contours flous est admise, quelles que soient ses fonctions (paroissiale, fiscale, agraire dans les multiples facettes d’organisation du territoire et d’accès aux ressources), quelle que soit l’époque.
Dans la production historiographique, il faut sans aucun doute accorder une place centrale à Montaillou, village occitan [2] . Les relations à l’intérieur du village notamment entre les classes d’âges, les pages qui annoncent la gender history, l’étude des relations entre le village et la société englobante telles qu’elle sont médiatisées par certains habitants du village sont très présentes dans le livre; l’analyse de la structure de la société montalionaise en ostal font partie des pages les plus célèbres de l’ouvrage. Mais la communauté y reste très discrète. Quelques lignes sur la gestion des pâturages (p. 152-154) ; quelques lignes sur la société masculine « quasi-municipale » (p. 390) ; quelques lignes sur les assemblées d’avant-messe et d’après-messe qui forment la communauté officieuse. Puis trois pages sur l’organisation en clans. À partir des enquêtes de Jacques Fournier, Emmanuel Le Roy Ladurie a écrit une ethnologie villageoise d’une précision exceptionnelle, plus qu’une analyse des mécanismes d’appartenance communautaire.
Pourquoi faire un sort particulier aux communautés de la France du Midi ? Excès de régionalisme ou occitanisme déplacé? On comprendrait assez bien qu’une spécificité méridionale en matière de communautés soit fondée sur l’importance du modèle urbain. Mais pour fonder cette histoire parallèle des communautés méridionales, urbaines et rurales, on manque sans aucun doute, d’une synthèse du modèle communal des villes du Midi [3] qui fasse le point sur leurs caractères distinctifs. Il reste que toute la France méditerranéenne connaît en effet une densité de villes qui irriguent le pays jusque dans ses moindres recoins et le modèle urbain est si fort dans la mise en forme de l’habitat, concentré sous la forme de castra, qu’il serait bien improbable que le poids de la ville se limitât à l’organisation du bâti. De fait les mots des institutions communautaires sont les mêmes, le consulat règne dans les villes comme dans les campagnes et il conviendrait sans doute de pousser la comparaison.
Mais ce n’est pas ce qui fonde traditionnellement dans l’historiographie la spécificité des communautés méridionales et je suivrai le chemin commun en délaissant les villes pour mettre l’accent sur les communautés rurales seules. Il est de tradition d’opposer au sens collectif élevé des communautés villageoises de la France du Nord l’individualisme des méridionaux. Que faut-il garder de cette opposition fondamentale depuis que les travaux de Samuel Leturcq [4] ont atténué la puissance des liens communautaires dans les villages beaucerons ? Cette tradition d’individualisme, qu’il convient peut-être de remettre en cause, repose presque exclusivement sur l’organisation agraire de la vie des campagnes et de l’espace. Or si les usages agraires ont un rôle central dans l’histoire des communautés méridionales, il convient de ne pas laisser de côté tous les autres champs de la vie rurale.

I.– Les spécificités méridionales dans la tradition historiographique

L’historiographie de la vie rurale en général a été largement dominée par les points de vue des géographes et dans une moindre mesure des juristes, renouvelée récemment par les apports de l’anthropologie. Dans les trente dernières années, les médiévistes se sont focalisés sur les approches par le peuplement, dans la dynamique créée par les études sur l’incastellamento. Beaucoup plus récemment sur les formes de la dispersion [5] . Mais assez peu sur le fonctionnement des groupes humains qui ont mis en place ces cadres du peuplement, les subissent et les transforment. Ni sur les avatars de ces communautés : paroissiale, fiscale, etc.…

a.– L’individualisme méridional

L’idée de l’individualisme méridional est principalement issue des travaux des géographes et d’autres périodes historiques. Après les géographes comme Sion, Dion et d’autres, les modernistes (Livet pour la Provence [6] ou Appolis et Le Roy Ladurie pour le Languedoc méditerranéen [7] ) ont appuyé l’image d’un spécifique sur quelques constatations :

– l’utilisation différente de l’eau et de l’irrigation : qu’il faille la faire circuler pour drainer ou pour irriguer, on sait le rôle de l’eau dans les aménagements et institutions collectifs. Il me semble que précisément, le languedocien n’en connaît guère à la période médiévale [8]  : la part des canaux et de l’hydraulique collective y semble ténue, Ce qui est fréquent c’est le puits, individuel ou, rarement, commun à plusieurs voisins. On est loin de ce que livrent les sources de Lombardie, de Catalogne ou même du Roussillon [9]  ;
– l’omniprésence de l’arboriculture ;
– le poids d’un relief très compartimenté par la présence d’un horizon de collines ou de montagnes. Le méditerranéen est, selon Jules Sion, le domaine du discontinu, même dans les zones basses ;
– la forte présence de la montagne présentant un contraste violent avec la plaine, superposant différents pâturages dans les parties les plus hautes, des forêts et notamment la châtaigneraie aux étages intermédiaires [10]  ;
– mais surtout l’individualisme méditerranéen : pays de champs ouverts, de forme trapues, sans quartier. R. Lebeau qualifiait en 1969 ces pays de « domaine d’une totale liberté agraire » et de « libres régions de champs ouverts » [11] . L’existence d’enclos y révélerait une mentalité individualiste en séparant le domaine des troupeaux de celui des champs : à chacun son labour, à chacun son pâturage. « Sur un même territoire communal coexistent parfois un finage communautaire et un finage individualiste ». (par « communautaire », il faut alors entendre, me semble-t-il, « ouvert »). R. Lebeau insiste cependant sur la « complexité agraire des pays méditerranéens… soulignant que ces paysages…comportent rarement un habitat dispersé ». « Le paysan est maître de conduire ses cultures à son gré. Pourtant souvent il ne réside pas au milieu de ses champs ; l’habitat reste groupé en gros villages et le bien de chaque exploitant est divisé en d’assez nombreuses parcelles. »

La question est envisagée de manière moins radicale par Marc Bloch [12]  : «ce n’était point en son principe un système d’individualisme. Sous ses formes anciennes il comportait la vaine pâture collective et obligatoire, la compascuité, interdiction de clore et probablement une certaine uniformité d’assolement ». Les servitudes lui apparaissaient cependant moins rigoureuses que dans les pays d’openfield puisque la vaine pâture y existait sans être accompagnée du troupeau commun.
Cette tendance à faire des communautés méridionales des organismes moins forts que leurs équivalents du reste de la France est encore exprimée par Paul Ourliac dans son rapport de synthèse du colloque de Flaran [13] . Trois idées principales s’en dégagent. La solidarité villageoise est fortifiée par la nécessité d’entraide dans la vie rurale puisque les bois sont communs, comme les landes, les étangs et les marais. Mais « la plus ancienne solidarité est créée par l’église » : elle existe bien souvent avant le village. « Avec l’église apparaît la paroisse, le cimetière, parfois l’hôpital ». Néanmoins les solidarités (notamment les fabriques) sont, pour P. Ourliac, moins fortes dans le que dans le Nord et que cette faiblesse tient à la moindre puissance de la féodalité. La faiblesse de la féodalité méridionale n’est plus aujourd’hui communément admise comme elle le fut par le passé. Le rapport fait par Pierre Bonnassie dans le colloque de Rome consacré aux structures féodales dans l’Occident méditerranéen avait déjà écorné ce dogme. Les études réunies depuis lors par des chercheurs toulousains, tout particulièrement la thèse d’Hélène Debax, ont conduit à une révision [14] . Si faiblesse il y a des forces associatives dans le Midi, ce n’est pas par faiblesse de la féodalité. L’enquête doit être approfondie, sans la croyance a priori que le lien entre force et faiblesse de la seigneurie et de la communauté est univoque.

b.– Un ou plusieurs midis ? Espaces et temps

Force ou faiblesse des communautés ? Avant de répondre, il convient sans aucun doute de nuancer le propos ou du moins de prendre conscience de l’effet réducteur et simplificateur de l’échelle globalisante du « midi ». Il y a des midis, différents selon les temps et les lieux.
Temps : Les analyses du fonctionnement des communautés doivent aussi prendre en compte l’échelle chronologique. Pour une multitude de raisons, notamment parce que la valeur des ressources des territoires communaux a beaucoup changé au cours du Moyen Âge et que les formes d’appropriation privée ou collective traduisent ces évolutions. Il est important de rompre avec la tendance anhistorique qui utilise les sources récentes pour décrire les réalités médiévales, avec l’a priori que les structures communautaires n’évoluent guère.

Espaces : midi méditerranéen et midi aquitain. Dans ces divers travaux, et notamment dans le rapport de synthèse délivré pour le colloque de Flaran, P. Ourliac a insisté sur l’existence de plusieurs types de communautés dans la France du Midi.L’individualisme est bien le maître mot, selon P. Ourliac [15] , pour la partie littorale, caractérisée par une cellule familiale étroite et des confréries peu nombreuses ; la communauté n’y est, écrit-il, pas plus qu’une communauté d’intérêts, à tendance individualiste. En revanche, le climat coutumier est bien différent en dehors de cette zone littorale : le droit privé y est communautaire et les solidarités villageoises imposent leur force aux habitants. La communauté y est « déjà plus solide, souvent liée à la possession de pâturages », dans la partie septentrionale des pays de droit écrit. Une troisième zone est constituée par le Sud-Ouest et surtout les pays pyrénéens où « les communautés institutionnelles… commandent toutes les manifestations de la vie ». Assurément les régions méridionales sont loin de présenter un modèle homogène de communauté. Comment s’articule cette impression d’une différence Est-Ouest avec le contraste entre pays de plaine et pays de montagne ? La prise en compte de critères de longitude (aquitain/méditerranéen), mais aussi d’altitude (montagne/plaine) dessine une géographie complexe des formes de solidarités.
Comment interpréter cette différente, perçue pour la fin du Moyen Âge ? Correspond-elle à trois stades d’une évolution partant d’un même système, mais se faisant à des rythmes différents ? S’agit-il au contraire de systèmes d’emblée très différents ? Le problème est difficile à résoudre. Sans doute convient-il d’approfondir la constatation des différences tardives, puis de rechercher leurs antécédents. Il convient aussi d’être attentif aux dérives qui accompagnent le mot « individualisme ». En premier lieu à cause de la connotation négative qui accompagne aujourd’hui souvent ce mot. Mais surtout parce qu’on voit mal pourquoi une communauté d’individus serait moins communautaire qu’une communauté de familles-souches ? Et c’est pourtant ce qui est implicite dans les hiérarchies établies entre les divers degrés de « communautarisme ».

c.– Vicini et véziau

La sémantique rurale est assez différente entre les deux zones, orientale et occidentale du Midi français. Il y a ainsi deux aires, celle où s'emploie le mot casal (à l’Ouest) et celle du mas (méditerranéen). Sans nul doute toute cette comparaison sémantique mériterait d’être approfondie. Dans le domaine de la communauté, on constate notamment que le terme de vicinus, bien présent dans les lois wisigothiques, et dans les documents aquitains est absent de la zone littorale. Est-ce une piste de différenciation culturelle?
Dans son rapport du colloque de Flaran sur les communautés méridionales, P. Ourliac décrit la veziau en Gascogne et en Agenais [16] comme une communauté telle que :– les terres non cultivées sont dites de besiau ;

– le droit de retrait de voisinage ne laisse pas pénétrer l’étranger comme possesseur de terres ;
– elle négocie collectivement avec le seigneur ;
– la beziau est d’abord un « quartier », mais peut s’étendre à une paroisse ;
elle est un lien, non entre les individus, mais entre les maisons. C’est là un point crucial qui renvoie à une société de maisons, qui ne semble pas être la règle dans les régions du littoral languedocien.

Les exemples cités par P. Ourliac à partir du cartulaire de Lézat peuvent permettre d’analyser ce qui est entendu dans ce mot pour une haute période, de part et d’autre de l’an mil :

– vers 1075, un plaid réunit, en présence de boni homines, les moines de Lézat et des vicini du lieu, présentés en groupes familiaux, père et enfants ou frères et sœurs, groupes dont on découvre au détours du texte qu’il sont apparentés, emmenés par le plus vieux d’entre eux. Ceux-ci et les vicini s’accordent sur le fait que les vicini donneront à Lézat l’église Saint Pierre, située dans l’alleu ou villa de Padern, ses livres et ornements, les droits et terres afférant et le bois qui est in circuitu de ipsos valatos, dans lequel il sera fait une sauveté, entourée de croix [17]  ;
– un acte un peu antérieur, vers 1035 [18] , prévoit que Lézat donne une terre à complanter. Le monastère a un droit de préemption, mais s’il ne veut pas acheter la partie qui revient au couple de tenanciers, celui-ci pourra le vendre ad vicinos qui super sancto Petro steterint. Peut-on aller jusqu’à l’idée que ces vicini bénéficient d’une sorte de droit prioritaire à acheter les terres du lieu où ils résident ?
– un peu plus tôt encore, vers 970 [19] , Auriol et Asner donnent à Lézat leur alleu in pago…, in ministerio de…, in loco que vocatur Sancti Victori, hoc est ipse casalus cum ipsa vinea et cum ipsum terratorium de quantum Oriollus et Asnerus vicini fuerunt. Le vicinus semble ici fondamentalement l’habitant d’un casal et l’emploi est à peine pluriel, tandis que dans l’exemple précédent, et peut-être même le premier, les vicini étaient un ensemble, dont la géométrie est difficile à préciser ;
– vers 1040, un litige à propos de biens cédés à Lézat [20] renvoie à une autre acception du terme : au moment de mourir, Sicfred donne des biens à ses fils leur vie durant, puis à des parents Ardman et Gérard, et finalement à Lézat, en réservant toutefois le sponsalitium de sa femme. Après la mort des fils, d’Ardman et de Gérard, le prêtre Bertrand, présent dans cette affaire depuis la décision de Sicfred, conseille de faire une charte coram vicinis vel judicibus terre. La belle-fille de Sicfred et ses fils font valoir leurs droits ; l’évêque de Couserans, protecteur de Lézat, et l’abbé ordonnent un combat entre deux champions. La belle-fille renonce alors consiliata… una cum filiis suis cum vicinis sive auditoribus qui hoc verbum testificabantur. Successivement, les vicini sont donc, dans ce document, identifiés à des judices terre ou à des auditores, si l’on peut bien donner à sive un sens non pas d’alternative mais d’équivalence.

Ces quelques exemples dessinent une image complexe des vicini : le mot s’emploie normalement au pluriel pour désigner un groupe de personnes qui interviennent dans la procédure judiciaire comme témoins voire comme juges, mais aussi comme instance de conciliation. Mais il peut aussi être pris au sens d’habitant d’un territoire appelé alleu ou villa. Certains peuvent agir comme boni homines. À dire vrai, ces textes anciens restent flous sur le degré de solidarité qui unit les vicini et sur le cadre (ou les cadres) dans lequel elle s’exerce.
Partout où le terme de vicini est attesté avant et pendant le XIe siècle, une véziau s’est-elle développée ? C’est peut-être un des chemins par lesquels approcher cette question des formes des communautés dans le temps et l’espace. En effet, sur la clé des différences régionales, Paul Ourliac semble hésiter. D’un côté il écrit que la véziau est une institution fossile qui permet de remonter à des pratiques et des structures très anciennes, figées dans l’Ouest, une sorte de socle primitif sur lequel se serait construit un individualisme second. Mais en conclusion, il ne croit pas que le système pyrénéen soit un socle ancien dont auraient procédé les autres types de communauté
En tous cas, il ne me semble pas sûr que les documents de Lézat, à classer dans la « version Sud-Ouest » des communautés, permettent de tracer une structure aussi forte entre les vicini que ne le révèle la véziau d’époque moderne ; donc de considérer les institutions de la véziau comme acquises depuis des temps très anciens.

 

II.– État des lieux avant l’an mil : villa et communauté

Les questions que soulèvent les communautés méridionales demandent que soient scrutés avec soin les documents antérieurs à l’an mil. C’est là en effet qu’il peut être répondu aux divergences qui opposent les historiens des communautés, notamment en ce qui concerne l’origine des communautés et leur force avant le grand développement de la seigneurie.
« Non seulement les limites des terroirs sont déterminées par ce que nous appelons une coutume agraire locale que connaissent les habitants et dont ils peuvent témoigner en groupe, mais elle sont parfois indiquées matériellement par de bornes, surtout dans des secteurs où la topographie est floue, voire changeante. De même à l’intérieur de ces terroirs, les zones occupées par des manses, celles occupées par les parcelles ou les pâturages, les lieux déserts, les extensions du terroir hors de ses limites naturelles sont clairement identifiés par les habitants. Si donc l’origine des limites des villae se perd dans un inaccessible passé, nous pouvons par contre saisir avec facilité leur personnalité géographique. […] Ainsi le terroir, zone géographiquement délimitée par un terminium, et ses habitants formeraient un ensemble indissociable et cohérent. […] La villa méridionale paraît douée d’une véritable personnalité juridique qui la fait se défendre elle-même et défendre ou condamner ceux qui y résident. Faut-il s’en étonner outre mesure en cette terre depuis si longtemps humanisée et qui reste si fortement imprégnée de traditions romaines ? » Ce raisonnement conduit Mme Magnou-Nortier [21] à utiliser l’expression de « communauté villageoise », détentrice d’un territoire, possédant une personnalité juridique et foyer de vie religieuse. C’est là une thèse assez classique, dont la spécificité est la référence aux persistances de culture romaine, notamment en matière de droit. S’y ajoute, en toile de fond, la permanence toponymique : « le nom de la villa est devenu celui d’une commune actuelle ou subsiste comme lieu-dit ».
L’utilisation de la toponymie incite à la prudence devant l’ensemble de l’argumentaire en faveur des persistances. On sait aujourd’hui le danger de conclure de la persistance du toponyme à la persistance de l’objet nommé. S’il est vrai que la plupart des toponymes des villages languedociens sont d’origine gallo-romaine, il en est aussi qui portent des noms plus récents. À l’inverse, bien des villæ portant des noms gallo-romains ont disparu ou ne sont plus que des microtoponymes. Les transformations majeures de l’habitat survenues au cours de la période médiévale sont désormais bien connues. La permanence du toponyme ne garantit pas autre chose que la permanence d’une mémoire et d’une légitimité revendiquée, mais pas même l’existence d’une chaîne de générations ininterrompue d’habitants, et encore moins la permanence d’un territoire et de ses limites.
Il est vrai que l’image qui se dégage des textes de la proche Catalogne, telle qu’elle a été magnifiquement décrite par Lluis To Figueras à la fin des années 80 [22] , est voisine de celle que décrit Mme Magnou-Nortier pour le Languedoc. Mais la documentation catalane porte cette vision de la communauté bien mieux que les sources languedociennes, très pauvres, il est vrai, en quantité et en qualité. Les sources catalanes, même si elles n’utilisent pas de mot définissant la communauté, évoquent explicitement que le point commun entre les hommes qui agissent en commun est la résidence commune dans une villa : hominibus qui habitant in villa quae dicitur Pallas [23] . Il n’est pas sûr que l’expression de convicini soit là pour exprimer la communauté d’origine ou de résidence : omnes convicinos… qui in predictas villas… fuerunt nati vel nutriti est précisément utilisée lorsqu’il s’agit de la coalescence de plusieurs villae et donc de plusieurs groupes de vicini. Il arrive qu’il soit fait allusion à la désignation de certains comme porteurs d’une représentation collective : et eligerunt inter se tria testimonia [24] . Mais dans la majorité des cas, Ll. T. Figueras doute qu’on puisse attribuer aux boni homines une représentativité globale ; il y voit plutôt une élite que ses caractéristiques personnelles désignent comme témoin ou auditeur du plaid.
En Languedoc, des documents attestent bien que le témoignage lors des plaids est porté par un groupe de personnes désigné collectivement sous l’expression de commanentes du territorium. Mais qu’est-ce que le territorium ? À cause des structures spatiales connues par des documents ultérieurs, il est tentant de l’interpréter comme une préfiguration du territoire communal, lui-même descendant dans la région du territorium castri. En a-t-on le droit ? L’expression territorium villae ne se trouve pas dans les documents. On rencontre en revanche celle de terminium villae, mais il convient de franchir avec prudence le pas assimilant le terminium villae et le territorium d’où proviennent les commanentes. Ici aussi il se peut que le préfixe com- ait, comme pour les convicini catalans, le sens d’appartenance à un vaste territoire et non au seul terminium de la villa.
Plusieurs points doivent être vérifiés. En premier lieu que les commanentes, tam majores et nobiliores quam mediocres et minores, antiquiores praterquam minores aetate [25] constituent une institution régulière et non un cas exceptionnel, composé pour l’occasion. Ensuite, avant de conclure que les boni homines ou boni viri sont les représentants des hommes de la villa, il faut remarquer que l’expression boni homines villae n’existe pas, à la différence des sources catalanes qui insistent sur la résidence commune dans une villa. À la différence aussi des probi homines castri, qui sont, plus tard, fréquemment attestés. Il faut s’assurer que les boni viri du Xe siècle ne sont pas issus d’un cadre plus large que la villa, plus près des potentes, appelés boni homines dans le contexte des plaids. Quelle épaisseur et quelle solidité a cette frange de la société qui médiatise les relations entre l’aristocratie et le reste de la population ?
Par ailleurs, sauf exception, dans des zones particulièrement fragiles, précieuses et conflictuelles, les limites de villa sont d’autres villae. La définition se fait sans finesse, à petite échelle. Mais il se peut qu’existe une délimitation linéaire précise sans qu’il en soit fait mention, en l’absence de conflit.
Les inquiétudes les plus fortes reposent surtout sur les bouleversements que la France méridionale a connus dans les siècles suivants, aux XIe et XIIe siècles essentiellement. Pourquoi tant de bouleversements toponymiques ? Tant de disparitions (bien plus que de permanences) ? Pourquoi un incastellamento si puissant, du moins en certaines régions? Pourquoi le « foyer religieux » résiste-t-il si mal à d’autres attractions ? Les textes évoquent les églises au sein des villae. Au Xe siècle, les donations des villae se font dans les termes suivants : in villa Leuniates vel villare que vocant Commiurano, ecclesia vocabulo Sancti Genesii [26] . Un peu plus tard, quand est passée l’ ère des donations de villae et qu’on ne donne plus que quelques manses ou quelques terres, l’église a endossé le toponyme : elle est devenue ecclesia Sancti Saturnini de Pozag [27] . Cette transformation onomastique qui pose les problèmes des relations entre paroisse et communauté mériterait d’être analysée systématiquement.
Si la tradition géographique pèse sur l’image de la vie agraire méridionale comme spécifiquement individualiste et compartimentée, la tradition historiographique concernant la haute période, antérieure à la fin du XIe siècle, renvoie classiquement à une communauté archaïquement forte, plus ou moins ancrée sur une vieille tradition romaine. Entre les deux, l’articulation est rarement explicitée parce que les deux champs sont confrontés et qu’ils sont rarement envisagés dans la longue durée, mais elle est logiquement inévitable à partir de ces deux perceptions traditionnelles des phénomènes communautaires méridionaux : elle ne peut être que la rupture médiévale de la tradition communautaire [28] . L’existence d’une rupture médiévale ne suffit évidemment pas à valider les deux traditions !

III.– Institutionnalisation : communitas et universitas

Si l’histoire de communautés avant l’an mil demeure un objet de discussion mal éclairé par la documentation, la phase suivante, qu’on peut faire remonter au milieu du XIIe siècle, est plus claire. Elle est marquée par l’institutionnalisation de la communauté. Quel est le poids de cette institutionnalisation dans la constitution des communautés ? Que la filiation entre les boni homines et les conseillers/consuls soit indéniable, ne résout pas la question de l’acte de naissance de la communauté. Tant que les contours de la communauté ne sont pas nettement dessinés, tant qu’on ne peut pas dresser une liste de ses membres et préciser ses compétences, qu’est-ce que la communauté ? Faudra-t-il chercher la mutation en suivant le vocabulaire pour la désigner, le passage des homines castri de tel lieu à celui de communitas ou universitas?
Avant d’observer ce qui est connu et étudié de cette phase d’institutionnalisation, il convient de l’inscrire dans une période de croissance démographique qui va de pair, plus ou moins profondément, avec une réorganisation des terroirs, des structures de la propriété et de l’habitat. C’est sur ce terrain redessiné que s’aménagent les institutions communes nouvelles.

a.– Les dynamiques territoriales qui ont précédé la phase institutionnelle

Une dynamique communautaire est perceptible dans les années qui précèdent la phase institutionnelle et sont celles des principaux réaménagements de l’habitat. Alors se fait dans la zone littorale le triomphe de l’habitat groupé, de ce qui va être désormais désigné sous le mot de castrum, que le pôle initial ait été un castrum ou un bâtiment ecclésial. La communauté y est sans nul doute celle d’un voisinage.
Dans le même temps, s’opère une reconstruction de l’organisation des terroirs, selon des processus d’incastellamento dont la variété est désormais bien connue. Les villae et leurs manses sont absorbés dans le district villageois. Quels sont les enjeux de cette « centralisation » et de l’homogénéisation du territoire? L’émergence de l’élite castrale semble être contemporaine de ces nouvelles organisations spatiales. Sont-elles portées par les potentialités que le castrum et son territoire, élargi par rapport à celui de la villa, offre à cette élite?
La croissance rurale, dont les réaménagements castraux sont une des formes, est la toile de fond de ces dynamiques communautaires. Le marché de la terre, libéré par la généralisation de la tenure parcellaire tenue en emphytéose perpétuelle, cessible, payant ses redevances non plus tout au long de l’année, mais à quelques dates fixes, change profondément la donne de l’exploitation et de la propriété.
Au terme de l’évolution, dès la fin du XIIe siècle et en tous cas le cours du XIIIe, non seulement la propriété a une base presque entièrement parcellaire, mais – j’y reviendrai plus loin – la communauté est constituée de tous les hommes adultes – ou peut-être de tous les propriétaires adultes, bien que les documents ne précisent jamais cette restriction. En tous cas la communauté n’est pas la réunion des chefs de manses, des aînés d’une fratrie : les cadets y ont accès. Elle est faite de personnes majeures, ayant accès à la responsabilité civile, non des représentants de familles dominant l’exploitation d’un fragment du terroir.
Il est tentant de dire que la communauté se forge dans ce mouvement qui dissocie les manses, restructure les terroirs et rassemble l’habitat au cours du XIIe siècle. Mais l’habitat en castrum ne résume pas toutes les formes de l’habitat des régions méridionales. Et la comparaison est troublante avec d’autres régions méditerranéennes ou méridionales. Dans la proche Catalogne, le castrum est loin de connaître le même triomphe. Ici subsiste le mas en même temps que s’instaure le droit d’aînesse et que se met en place la servitude de remensa. Cette évolution a été splendidement décrite par Lluis To Figueras [29] . Il serait sans doute fondamental, surtout si l’on garde en mémoire les différences que la documentation des Xe et XIe siècle semblait suggérer, de comparer précisément l’avènement institutionnel de la communauté villageoise et son fonctionnement en Catalogne, Roussillon et Bas Languedoc.
La comparaison s’impose aussi avec ce que Paul Ourliac a appelé le Sud-Ouest et que les travaux de Benoit Cursente [30] permettent de caractériser comme la zone des castelnaux. Il y a bien eu ici, depuis la fin du Xe siècle, une lente mise en place d’un habitat nucléaire qui explose dans la documentation à la fin du XIIIe siècle, mais la congregatio hominum est ici, selon les mots de B. Cursente, tardive et incomplète. Dans certaines régions, les hameaux sont, au terme du processus, sous domination des bourgs, dans d’autres la semi-dispersion reste prédominante. Ainsi, dans le piémont pyrénéen des pays de l’Adour, l’habitat, en dehors de gros villages tels qu’Ibos, n’aboutit pas au triomphe de la forme nucléaire, sans pour autant rester égayé dans le terroir, mais s’ordonne comme une vaste nébuleuse plus ou moins dense. À partir de l’exemple de Pujo [31] , B. Cursente saisit le passage de l’habitat per casalem à l’habitat per domum : la croissance démographique a fait allotir les casaux et donné un tissu plus dense, sans aboutir à une agglomération serrée de type castelnau ou castrum. Quelle incidence pour la communauté paysanne ?
Partant d’une documentation qui s’étage de 1285 à 1313, B. Cursente a exploré la question à propos d’Ibos, bourg aux confins de la vicomté de Béarn ; il a montré la complexité du problème, notamment en comparant deux listes des chefs de famille d’Ibos, l’une de 1311 et l’autre de 1313. Malgré des chiffres comparables, la différence est grande entre les deux. La première, qui réunit 217 noms, est la ratification par la communauté d’un traité de paix avec le village voisin sur l’utilisation commune de landes. Elle est très voisine de ce qui se pratique dans les castra languedociens à la même époque. La seconde est une enquête auprès de 240 personnes, mais elle est fondamentalement constituée de propriétaires de casaux. Ibos est un bourg ; l’habitat s’y fait par domus, mais l’enquête de 1313 en tient à l’écart le plus grand nombre, celles des cadets et des artisans. La vésiau a ici deux formes qui coexistent, au moins pendant un certain temps. Il est donc probable que le regroupement des hommes dans les castra et la restructuration de la propriété et des terroirs qui l’accompagne vont de pair avec un type de communauté. Il en existe d’autres dans les pays où le casal subsiste comme structure dominante de la société. Cela ne signifie pas pour autant que, dans des pays que le regroupement des hommes a bouleversé, les formes casalères de communauté, repérées au seuil du XIVe siècle doivent être considérées comme des archaïsmes, exact ancêtre des communautés d’habitat groupé qui leur auraient succédé, tandis qu’elles survivaient ailleurs.

b.– La mise en place d’une « démocratie » villagoise

La phase de création institutionnelle est bien identifiée, dans l’ensemble du >Midi, par P Ourliac qui se fait à ce propos l’écho des travaux de Pierre Michaud-Quantin sur l’universitas et d’André Gouron sur les consulats et les métiers [32] . Surtout dans les castra ou les divers pôles de concentration de l’habitat, castelnaux et bastides, bourgs divers, cette phase de l’histoire des communautés méridionales est marquée par la réception du droit romain : «donner plus de rigueur aux rapports sociaux et notamment aux rapports féodaux ». On sait bien aujourd’hui combien le droit pratique à la fois a adopté le droit romain et a été réticent à son égard. Ce droit pratique est pour l’essentiel mis en œuvre par des notaires qui ont joué un rôle crucial dans cette phase d’institutionnalisation de la communauté villageoise. Mais ils sont largement influencés par le droit savant des universitaires qui mettent en forme la vie urbaine et donnent aussi leurs consilia dans les cas subtils où sont impliqués les seigneurs, laïcs et ecclésiastiques. Appartiennent notamment à l’élaboration théorique la discussion sémantique sur les mots universitas et communitas et les consultations demandées au juriste et futur pape Guy Foucois [33] .
Cette élaboration institutionnelle se fait dans le cadre nouveau de la mise en écrit des règles locales, avec une intervention, encore une fois différente entre l’Ouest et le littoral, de la « raison graphique ». Dans l’Ouest, la rédaction de chartes de franchises est massive, auxquelles Mireille Mousnier a consacré des travaux récents, encore en grande partie inédits [34] . Le fait semble limité à quelques cas assez rares dans la zone littorale. Perte documentaire ? On peut espérer que l’enquête en cours à l’Université de Toulouse sur les chartes de franchises, enquête dont Maurice Berthe a donné les premiers résultats dans le 20e volume de Flaran [35] , le précisera.
Par delà les différences dans le mode d’institutionnalisation des règles de gouvernement local, écrites ou tacites, un certain nombre de points communs peuvent être dégagés. Comme les villes, les bourgades et les castra mettent en place des institutions représentatives instituant le roulement théorique annuel des fonctions exécutives. Le parlement ou assemblée du village, réuni par le seigneur, choisit ses représentants, en général selon des formes indirectes étagées, ou bien les confirme. Mais comme le résume M. Mousnier, « entre ce qui est très proche d’une représentativité et la mainmise totale du seigneur, l’équilibre s’établit dans une commune mesure où le retrait du seigneur, sa présence discrète, a pour correspondance la pondération, la prudence des nantis et notables. » [36]
Dans son principe, tous les hommes adultes sont membres de ce parlement ; parfois y figurent aussi quelques veuves chefs de feu : le temps où des femmes pouvaient être en nombre parmi les homines de la villa, comme dans les chartes catalanes du Xe siècle, semble révolu. Il conviendrait d’observer soigneusement la composition de ce parlement : les clercs en sont-ils exclus ? Oui dans la zone littorale aux environs de 1300. Les nobles en sont-ils exclus ou constituent-ils un groupe spécifique élisant son propre représentant ? Les deux cas existent : obéissent-ils à des règles locales ou à des systèmes régionaux ou micro-régionaux. Ce ne sont pas des détails : ces dispositions correspondent à des images différentes de la communauté villageoise selon que le parlement est seulement roturier ou non.
On saisit bien dans cette administration villageoise, la mise en forme « démocratique » savante, même si les procédures électorales sont limitées à la mention du quorum des présents, des trois quarts ou des 4/5. L’administration se fait à trois niveaux, celui du parlement, celui du conseil, celui des consuls ou des syndics, 2, 3 ou 4 par village, un peu plus dans les villes. Mais sous ce vernis percent les anciens probi homines castri, dont la légitimité et la représentativité étaient informelles. En leur sein, dans le cadre villageois, se lisait aussi une élite à deux strates, la base qui donne naissance au groupe social de ceux qui siègent au conseil et une élite plus étroite, plus riche et plus lettrée, qui fournit les consuls villageois. C’est peu avant le milieu du XIIIe siècle qu’elle arbore le titre ronflant de consul [37] .
Dans le rapport, peu conflictuel, entre seigneurs et communauté, le rôle décisif est joué par les élites, qui sont à la fois les agents de la seigneurie et ceux de la communauté, dont ils sont les porte-parole. Qu’ils soient devenus ce rouage entre seigneurie et communauté, aspirant à diriger la communauté, en attendant qu’un processus d’ascension sociale les fasse éventuellement, à partir de la fin du XIIIe siècle, pénétrer dans le groupe des chevaliers/damoiseaux, constitue un moment-clé de l’histoire des communautés, comme Chris Wickham l’a admirablement mis au net pour les communautés italiennes [38] .
La phase d’institutionnalisation existe donc de part et d’autre, à l’Ouest et à l’Est, dans les communautés méridionales, peut-être un peu plus précoce dans la partie littorale. Elle s’appuie sur des processus communautaires qui ne concernent pas exclusivement la terre ou les charges communes. En particulier, l’organisation des formes communes de piété et de charité accompagne cette phase, en la précédant peut-être de peu. Il est bien probable que les cadres paroissiaux ont subi des réaménagements parallèles, mais partiellement distincts des évolutions de la communauté villageoise et de son territoire. Il serait utile de rechercher les formes propres de la résistance des paroissiens à la perception des dîmes et des prémices et d’observer les conflits qui se tissent autour de la fiscalité ecclésiastique, mais aussi de la desserte paroissiale.
La tâche est difficile, car lorsqu’ils parviennent à notre connaissance, la communauté villageoise a bien souvent discipliné la paroisse et en a pris la gestion [39] . Les hameaux étaient pourvus d’une église, les villae aussi ; le réseau paroissial est sans doute en grande partie distinct du réseau vicinal ou du moins communal. Dans le maillage haut médiéval, des hiérarchies se sont installées. Il conviendrait certainement d’analyser, pour elle-même et en confrontation avec les analyses des territoires des communautés, l’évolution de ce réseau primitif [40] , afin de mieux comprendre les relations entre ces avatars distincts de la communauté, paroisse et village.
Les communautés ont rencontré peu à peu le problème de la répartition des charges fiscales, à la fois pour financer leurs dépenses qu’elles engagent peu à peu [41] , mais aussi dans les négociations concernant le prélèvement seigneurial. C’est un domaine crucial de la phase d’institutionnalisation des communautés, et il continue à peser lourd bien au-delà de ces premiers temps de leur histoire. Les élites qui prennent en mains les destinées de la communauté villageoise sont confrontées dans le midi méditerranéen à la perception d’une communauté faite de majores et de minores et à une réflexion, largement inspirée de la ville sur la justice fiscale. Peu à peu, des livres de taille, des estimes, s’imposent qui introduisent une proportionnalité de l’impôt dû au roi, dans cette communauté de feux conjugaux, dont les disparités financières s’accentuent, semble-t-il au début du XIVe siècle [42] . Certes les choix fiscaux des leaders de la communauté – donc, le plus souvent, de la communauté elle-même – privilégient autant qu’ils le peuvent la fiscalité indirecte et surtout la taxation sur les échanges et essaient d’éviter les prélèvements directs de la taille réelle [43] , mais l’impression est que la bataille fiscale n’est pas totalement perdue pour les minores.
Là où règnent encore les casaux et même sans doute dans les zones du Sud-Ouest où s’est mise en place une société de domus, il n’est pas sûr que la situation ne soit pas encore plus favorable aux élites, avec de fortes nuances régionales. Dans son étude consacrée au comté de Bigorre, M. Berthe a montré combien le montant des redevances, au XVe siècle en tous cas, est peu dépendant de la richesse foncière [44] . La situation que B. Cursente décrit à Ibos – mais c’est un cas particulièrement net de société de maisons – est moins tranchée ; il montre une division de la population en deux groupes caractérisés par leur statut, francs et censuale. Les francs sont, de manière à première vue paradoxale, moins taxés que les censuales, même s’il y a des uns et des autres parmi les plus gros contribuables. L’élite, celle des censuales issus pour la plupart des anciennes familles casalères, a réussi à faire répartir la charge fiscale sur l’ensemble de la communauté, y compris les francs, même si les censuales contribuent au total plus que les francs. Ces remarques concernant la fiscalité commune et le rôle des élites dans les stratégies villageoises renvoient évidemment au problème majeur, mal éclairé par la documentation – puisqu’il correspond au passage de la phase préhistorique de la communauté à sa phase historique – de la genèse des élites villageoises, nourrie par la croissance, et sans doute liée aux processus de définition de la noblesse.

c.– Le temps des princes (XIVe et XVe s)

La phase d’institutionnalisation des communautés est contemporaine de la mise en place de l’administration d’État qui construit peu à peu un cadre de plus en plus contraignant, mais en même temps fait des représentants des communautés ses interlocuteurs obligés. Moins de liberté et plus de rôle : le schéma d’évolution ne diffère pas radicalement d’une région à l’autre, mais connaît des différences substantielles, notamment de part et d’autre du Rhône, entre Provence d’un côté et Languedoc de l’autre.
En Provence, l’évolution institutionnelle suit une chronologie plus complexe, comme l’ont montré notamment les études de Jean-Paul Boyer en Vésubie [45] . Il semble en effet que des formes très précoces de solidarités, avec mention de consuls, aient existé dès la fin du XIe siècle en Provence orientale ; elles évoquent la situation ligure ou même lombarde plus que celle de la France méridionale [46] . Puis les règnes de Charles Ier et Charles II voient une reprise en main des communautés par le roi, la suppression des consulats : la juridiction appartient au roi souverain [47] . Dès lors c’est un régime de procureurs ou syndics [48] des communautés qui est installé car le roi ne peut se priver d’interlocuteurs et même de gestionnaires des affaires villageoises. Le domaine de la juridiction fut mis à part, comme la chose du roi ; l’administration interne était de fait confiée à ces syndics. Bien plus dans la pratique qu’il ne le paraît dans les textes, les communautés disposaient d’une vraie maîtrise de leur territoire et notamment des pâturages. Elles disposaient également – en tous cas certaines d’entre elles – d’un pouvoir de coercition et de réglementation. Le XIVe siècle provençal, et surtout sa deuxième moitié, semble être une période où se rode le système, avec de sensibles différences dans la pratique d’un village à l’autre.
C’est au XVe que selon J.-P. Boyer [49] est atteint la maturité du système de syndicat. L’administration interne se fait plus complexe, avec campiers ou garde-champêtres. Ils ont leurs équivalents, appelés bandiers, de l’autre côté du Rhône. La panoplie des employés municipaux, mais aussi des prud’hommes aux tâches arbitrales bénévoles, est abondante : terminateurs pour les bornages, vérificateurs pour le marché, estimateurs des dommages, etc. Leurs noms diffèrent de part et d’autre du Rhône, la précocité aussi, s’il ne s’agit pas d’un effet de sources. Leur foisonnement est noté à Tarascon à la fin du XIVe siècle [50] , alors qu’il est acquis à Pézenas ou dans les villages de l’Hérault dans la première moitié du XIVe siècle et seulement à la fin du XVe et au début du XVIe  en Provence orientale.
C’est à ce moment aussi qu’en Provence, avec peut-être un léger retard sur le Languedoc, littoral ou gascon, se fait le contrôle de la paroisse par la communauté villageoise. Selon l’expression de J.-P. Boyer [51] , la communauté de paroisse est annexée par la vie municipale. Noël Coulet a attiré notre attention sur la nécessité de prendre conscience des complexités et de la lenteur de ce phénomène. Tout à la fois les confréries se multiplient et pourtant, ce sont bien souvent les représentants de l’universitas qui agissent en nom et place des confréries, qui ont pourtant leurs propres responsables, en quelque sorte mis en tutelle. La confrérie du Saint Esprit constitue bien souvent l’avatar spirituel de la communauté villageoise : tous les habitants en sont « frères » [52] .
Au cours du XIVe siècle s’installe aussi une conscience nette de ce qu’est la personne morale ; dans les compte rendus des assemblées de village, les notaires ont des formules très claires sur le jeu entre l’engagement de chacun et celui de l’universitas. La majorité des présents (majorité des 2/3) est requise ; la décision est toujours prise unanimiter et concorditer. Les procédures de désignation des syndics est pour une large part en place dès le début de la période, mais ne cesse d’être retouchée, au profit d’une cooptation de plus en plus verrouillée. Les tensions ne sont pas absentes: manifestes, notamment en Languedoc, dès la première moitié du XIVe siècle, elles ne cessent pas, un peu atténuées au début du XVe, et aggravées à la fin de ce siècle : non-représentativité des élus, accusations de négligence ou de malversation. La politique municipale est largement inspirée par les intérêts de ses leaders, mais assez mesurée pour éviter les affrontements violents et toujours affirmée comme conforme au bien commun.
Mais ce temps des princes est surtout marqué par un réaménagement des relations entre le pouvoir central et les communautés. L’État se construit dans l’ensemble de la France méridionale, mais les communautés, notamment les petites communautés villageoises n’y jouent pas le même rôle. D’une manière générale la relation entre le prince et les communautés est fondée tout à la fois par le droit féodal et le droit romain de l’universitas : l’insistance sur le droit féodal est peut-être plus systématique en Provence, où il est régulièrement précisé que les syndics font hommage flexis genibus et junctis manibus. De part et d’autre du Rhône, le bayle, représentant du roi ou du seigneur, et les syndics villageois sont tout à la fois opposés, chacun cherchant à renforcer ses prérogatives, et associés dans une collaboration quotidienne et une origine sociale commune. Mais il semblerait que les circonstances politiques aient facilité en Provence le développement des droits des communautés qui sont admises à désigner leur bayle. À l’échelon local, mais aussi dans un cadre plus vaste, les communautés constituent l’architecture de l’État et une conscience solidaire naît qui organise la collaboration des communautés en pays [53] . Il n’est pas sûr qu’il en aille de même en Languedoc, où la force des villes semble écraser les possibilités des communautés modestes et petites. Les convergences sont évidentes de part et d’autre du Rhône ; les nuances aussi et une comparaison systématique mériterait d’être conduite.

d.– Les évolutions institutionnelles du Sud-Ouest

Si l’influence du droit romain et la mise en place d’une mode de gouvernement formalisé sont peut-être moins évidentes dans les terroirs du Sud-Ouest où la concentration de l’habitat autour d’un pôle nucléaire s’est mal ou pas réalisée, là aussi l’évolution institutionnelle est pourtant forte et a sans doute été longtemps sous-estimée. C’est le pays des coutumes et l’on sait aujourd’hui quelle image fallacieuse ont donné des collections partielles et des éditions insuffisamment critiques. On y a cru parfois à la rédaction d’un très ancien droit, émergeant tardivement par la grâce de la mise par écrit ; on y décèle aujourd’hui le caractère progressif et évolutif des coutumes locales.
Dans cette région, les études récentes ont mis l’accent sur le droit successoral. C’est seulement dans le cours du XIIIe siècle que se sont séparées « une aire garonnaise adoptant un droit familial communautaire, non hostile à toute forme de partage et une zone pyrénéenne de plus forte prégnance des casaux, où s’imposa le droit d’aînesse » [54] . L’image traditionnelle de l’immémorial droit pyrénéen vient donc de voler en éclats.
Le second aspect de l’évolution institutionnelle rapproche les communautés des diverses zones méridionales entre elles : dans le Sud-Ouest aussi, le jeu des élites est pour beaucoup dans les formes que prend la vie communautaire. En Andorre de manière très nette, mais dans le Sud-Ouest en général, l’inégalité des maisons est croissante. Les botoys du Béarn ont leurs équivalents, et le « verrouillage » communautaire, selon l’expression de Roland Viader est en cours.
Rupture du système social par croissance démographique, capacité de produire de la richesse par la rente, mise en place d’un lien direct entre le prince et les sujets qui ne repose pas sur les tenants-casaux, mauvaise presse du servicium dû par eux et assimilé par les nouveaux juristes à une servitude : une nouvelle forme de distinction sociale, ainsi caractérisée par les travaux de B. Cursente, se fait jour à vivre au village et invite à analyser en parallèle les évolutions méditerranéennes et « atlantiques » de la France méridionale.

IV.– Des questions nouvelles venues des montagnes

Récemment, le renouvellement des questionnements est venu d’ailleurs, des montagnes méditerranéennes principalement.  Aux bornes de cette Catalogne où avait été repérée la force des solidarités villageoises dès avant l’an mil, les travaux de Roland Viader sur l’Andorre ont approfondi la connaissance des formes communautaires caractéristiques du fonctionnement médiéval de la société de maisons, mais ils ont aussi révélé les rythmes politiques particuliers de cette société de montagne. Le schéma, caractéristique des études ibériques, des communautés vidées de leur force et de leur substance par la « seigneurialisation », se réalise à un autre tempo. Il y a une sorte d’interruption, à la fin du Xe siècle, dans le processus évolutif que connaît l’ensemble de la Catalogne : les communautés assermentées entre elles, avec des capacités militaires et la maîtrise des terres incultes se construisent comme l’interlocuteur des seigneurs. R. Viader analyse les moments forts de ce pacte communautaire, régulièrement renouvelé :

– dans la cour de justice commune, la vista, lieu de règlement des conflits récurrents, mais aussi de discussion avec les puissances et communautés voisines ;
– dans l’organisation commune du prélèvement décimal ;
– dans la gestion étagée des pâturages.

Mais il décrit aussi la fin brutale, en grande partie exogène – c’est là un modèle assez rarement démonté par les historiens plus séduits par un déterminisme implacable des évolutions internes – à la fin du XIIIe siècle, de ce conservatoire andorran : échanges avec l’extérieur, écriture notariale, « seigneurialisation » et modification du régime successoral en faveur de la primogéniture font basculer le pays dans un autre système. Mais du point de vue de la gestion communautaire, c’est la fin des grandes assemblées et le passage à un gouvernement de notables. Leur objectif n’est pas de pénétrer la noblesse et de s’exclure des communautés, mais de les diriger. C’est là une autre version de cette histoire nuancée, mais omniprésente, de ce que d’aucuns appelleraient la trahison des élites.
C’est la rencontre de l’histoire des communautés avec la longue durée des archéologues et de l’écologie qui constitue l’autre volet des nouvelles approches. Bien des historiens et géographes ont préparé cette orientation, parmi lesquels on pourrait citer, parmi les méditerranéens, Philippe Leveau et Diego Moreno. Aix, Montpellier et Toulouse participent de ces orientations nouvelles qui associent biologie, archéologie et histoire. L’habilitation d’Aline Durand rassemble ainsi plusieurs fils : elle y apporte notamment une perspective ethno-anthracologique qui réinterprète les données des taxons ramassés dans les foyers mis au jour par l’archéologie, non pas comme l’image passive du couvert végétal, disponible, mais comme celle d’une politique de gestion active des ressources de l’inculte [55] On y aperçoit les communautés à travers le système agraire qu’elles élaborent et les pratiques qu’elles en ont.
À une autre échelle chronologique, les travaux de Christine Rendu [56] situent l’évolution communautaire dans celle de l’organisation de l’espace montagnard, sur la base de données archéologiques de fouilles, complétant les données textuelles et s’appuyant sur des études archéométriques. Ici, c’est la distorsion entre archéologie d’une part et textes et palynologie d’autre part qui est l’élément moteur du raisonnement et de la réflexion sur le fonctionnement des communautés. L’archéologie montre en effet après l’expansion extensive des XIe-XIIe siècles, marquée par la mobilité des sites et des parcours, un cantonnement et une territorialisation, la pétrification des sites et la gestion plus économe de l’espace. L’analyse de la montagne d’Enveig montre un espace plural. D’abord l’élevage est multiple : ce n’est pas le temps de la domination de la vacada. Dans la partie basse, une série de hameaux de piémont où chacun est autonome, avec ses propres communaux et ce que C. Rendu appelle « le premier cercle de citoyenneté ». Chaque hameau est dominé par une ou plusieurs familles de capmas qui sont au cœur du dispositif. Les petits mas des hameaux et les capmas du centre, Enveig, ont accès à des pâtures périphériques et aux grandes estives dans la mesure où ils s’agrégent aux troupeaux des capmas de hameau. Aux confins, les petits mas d’Enveig. Donc une tension centre/hameau, une tension pluriel/unique, et une tension sociale entre petits et gros se combinent et se résolvent par un effacement de l’oligarchie paysanne au XVIIIe siècle et l’organisation de communs auxquels chaque mas a accès individuellement.
C’est donc à une autre échelle de temps qu’intervient l’influence de la montagne et des disciplines écobiologiques. Sans doute ne sont-elles qu’une face particulière de l’histoire des communautés. Elles ont l’énorme avantage d’une part de leur pas chronologique, celui d’une évolution qui n’est ni à l’échelle du temps court historique ni celui, très lent du temps géoclimatique. Elles ont aussi l’intérêt de mettre l’accent sur l’inculte, le parent pauvre des sources écrites, en montrant des gestions plus souples et multiples des espaces communs et une sédentarisation moins rigoureuse qu’on a tendance à le lire dans les textes de l’espace mis en culture. Bref une approche renouvelée des rapports entre les communautés et leur espace [57] .

 V.– Conclusion

Pour la période centrale du Moyen Âge, de la Provence aux pays de Gascogne, chaque région a suscité, en fonction de ses caractéristiques propres et des orientations de la documentation, des analyses qui permettent une amorce de discours historiques sur les communautés. Les comparaisons terme à terme demeurent difficiles ; pourtant on pressent que les questionnements se rapprochent et on peut espérer que les années à venir permettent de faire ressortir une typologie plus sûre. Sans doute certaines régions ont-elles focalisé l’intérêt plus de d’autres et la densité des recherches est-elle inégale, mais là encore on peut envisager l’avenir avec un certain optimisme [58] .
Il est difficile de conclure à l’affaiblissement des communautés par la « seigneurialisation » puis le développement de l’État, selon le schéma le plus classique dans l’historiographie ibérique ou à leur construction en résistance et en collaboration avec ces pouvoirs. Le processus est sans nul doute complexe et perçu comme tel depuis qu’un certain lyrisme, inspiré pour certains par le marxisme, pour d’autres auparavant par la croyance en l’immobilisme folklorique du passé, ont fait place à une observation plus ethnographique des phénomènes villageois. L’apport le plus récent des études est une fois de plus l’historicisme des approches et la conscience que même ces structures profondes ne sont nullement fixées et évoluent plus vite qu’il n’y paraît.
On a peut-être simplifié les communautés méridionales, au motif que les institutions civiles finissent par coiffer les divers avatars et que les participants sont finalement les mêmes. Certaines régions, comme le Quercy, où les cadres paroissiaux, châtelains ou villageois ne se recouvrent pas, ainsi que l’a montré Florent Hautefeuille [59] , incite à beaucoup de prudence dans ce domaine. Il faudra sans doute redonner à chacune des compétences de la communauté sa part d’autonomie. Et sans doute revoir les constructions des territoires selon des rythmes plus complexes qu’on ne l’a fait jusqu’à présent.
Il faudra aussi, en suivant le chemin indiqué par les études récentes de zones montagnardes où l’inculte est au centre des pouvoirs et des enjeux, se défaire de l’impression trompeuse donnée par la documentation que seul compte l’ager. S’il est vrai que l’habitat centré organise le terroir, la gestion de l’espace commande l’organisation communautaire ; s’il est vrai que le cultum occupe le devant de la scène, c’est la possession et la gestion de l’inculte qui, en bien des endroits, commande le rapport social et donc l’organisation de la communauté et sa position face au seigneur [60] . Il se peut que dans certaines régions méridionales la limite soit nette et stable ; dans la plupart, il faudra sans doute repenser l’organisation du territoire comme plus complexe que le binôme culte/inculte. Il se peut que la documentation soit biaisée et que les documents de la pratique privée, des registres de notaire notamment, révèlent des stratégies de l’élite plus subtiles que ne le laissent penser les archives de la communauté. Et la distribution des terroirs est aussi une affaire qui unit ou divise les communautés voisines : les relations entre communautés, largement vues sous l’angle des conflits, parce que ceux-là ont laissé des traces, demande à être réenvisagée.
On voit bien se profiler des différences régionales fortes entre les pays avec et sans incastellamento, différences qu’il conviendrait de coordonner, les diverses caractéristiques faisant système, et de comparer en jeu d’opposition. Les différences de structures familiales (droit successoral, organisation des exploitations, etc.) y construisent des communautés de facture différente. Mais elles se distinguent aussi par d’autres points qui doivent faire sens avec les autres caractéristiques. R. Viader m’a suggéré ainsi des différences à rapprocher. Les formes et les fonctions des hommages ne semblent pas identiques en Provence (et Languedoc ?) et dans les zones pyrénéennes et sub-pyrénéennes, ici les communautés exerçant le rôle dévolu là au groupe des milites castri. De même, non sans lien avec l’hommage, faudrait-il mettre au cœur des différences le rapport à la guerre. Certaines communautés se défendent, fournissent des contingents appréciés des princes, et des mercenaires. Celles-ci devaient à l’origine, par casal, un servicium fortement militaire. Globalement ces communautés pourraient associer hommage, prince, forte participation à la guerre et faible incastellamento. En regard, les villages castraux semblent avoir abandonné aux chevaliers une spécialisation guerrière et avoir obtenu, par franchises écrites ou négociations orales, leur « démilitarisation ».
Par delà les différences, les communautés sont immergées dans un monde qui respire le droit romain et la réflexion sur la légitimité et la légalité. Telle qu’elle est organisée à l’échelon local par les élites, micro-régional par les seigneurs dont l’espace de vie et d’influence dépasse largement le territoire du village, et dans un cadre plus général par l’État naissant, la formation des communautés et la représentation qu’elles ont d’elles-mêmes dépendent en profondeur de ces évolutions générales. Sans même faire intervenir les évolutions économiques qui affectent les communautés – et dont elles sont, de manière commune ou par les atomes qui les composent, les acteurs – c’est bien sur la mobilité des réalités et des idées de la communitas qu’il convient d’insister.

VI.– Bibliographie complémentaire

a.– Le point de vue d’autres disciplines

Assier-Andrieu, Louis, « La communauté villageoise, objet historique/enjeu théorique », Ethnologie française, 1986, p. 351-360.
Les Communautés rurales, Recueil de la Société Jean Bodin, XLIII, Paris, 1984.
Derouet, Bernard, « Territoire et parenté : pour une mise en perspective de la communauté rurale et des formes de reproduction familiale », Annales ESC mai-juin 1995, p. 645-686.
Lefebvre, Henri, La vallée de Campan ; étude de sociologie rurale, Paris, 1963.
Ourliac, Paul, Les pays de la Garonne vers l’an mil. La société et le droit, Privat, 1993.
Sclafert, Thérèse, Cultures en Haute Provence. Déboisements et pâturages au Moyen Âge, Paris, 1959.
Toulgouat, P., Voisinage et solidarité dans l’Europe du Moyen Âge, 1981.
Zink, Anne, Clochers et troupeaux. Les communautés rurales des Landes et du Sud-Ouest avant la Révolution, Bordeaux, 1997.

b.– Avant l’an mil

Magnou-Nortier, Élisabeth, « La terre, la rente et le pouvoir dans les pays de Languedoc pendant le Haut Moyen Âge », Francia, 9, 1981, p. 79-115 ; 10, 1982, p. 21-66 ; 12, 1984, p. 53-118.
Ourliac, Paul, « Juges et justiciables au XIe s., : les boni homines », dans : Justice et justiciables. Mélanges Henri Vidal, Montpellier, 1994, p. 17-33.
Poly, Jean-Pierre, la Provence et la société féodale (879-1166), Paris, 1976.

c.– Peuplement

Baratier, Édouard, « Les communautés de Haute Provence au Moyen Age. Problèmes d’habitat et de population », Provence Historique, 85, 1971, p. 237-248.
Baudreu, Dominique, « Une forme de villages médiévaux concentrés : le cas du Bas-Razès (Aude) », Archéologie du Midi médiéval, 1986, 4, p. 49-73.
Catafau, Aymat, Les celleres et la naissance du village en Roussillon, Perpignan, 1998.
Cursente, Benoît, Les castelnaux  de la Gascogne médiévale, Bordeaux, 1980.
Durand, Aline, Les paysages médiévaux du Languedoc (Xe-XIIe s.), Toulouse, 1998.
Fabre, Ghislaine, Bourin, Monique, Caille, Jacqueline, Debord, André (dir.), Morphogenèse du village médiéval, IXe-XIIe s. Actes de la Table Ronde de Montpellier 1993, Montpellier, 1996.
Fixot, Michel, Zadora-Rio, Élisabeth (dir.), L’environnement des églises et la topographie religieuse des campagnes médiévales, Paris, 1994 (notamment Dominique Baudreu et Jean-Paul Cazes, « Les villages ecclésiaux dans le bassin de l’Aude », p. 80-98 ; M. Bourin et Aline Durand, « Église paroissiale, cimetière et castrum en Bas-Languedoc (Xe-XIIe), p. 98-106 ; Benoît Cursente, « Église et habitat dans les villages gascons », p. 122-131).
Fournier, Gabriel, Le peuplement rural en Basse-Auvergne durant le Haut Moyen Âge, Paris, 1962.
Higounet, Charles (dir.), Géographie historique du village et de la maison rurale, Actes du colloque tenu à Bazas 1978, Paris, 1980.
Schneider, Laurent, Monastères, villages et Peuplement en Languedoc central : les exemples d’Aniane et de Gellone (VIIIe-XIIe s.), Thèse Aix, 1995.

d.– Franchises

Carbasse, Jean-Marie, Bibliographie des coutumes méridionales, Recueil de mémoires et travaux publiés par la société d’histoire du droit et des institutions des anciens pays de droit écrit, 1979, p. 7-89.
Garrigoux, A., Les franchises des communautés d’habitants en Haute-Auvergne du XIIIe à la fin du XVIe s., thèse École des Chartes, 1939.
Gouron, Marcel, Catalogue des chartes de franchises de la France, II : les chartes de franchises de Guyenne et Gascogne, Paris, 1935.
Ourliac, Paul, « Les coutumes du Sud-Ouest de la France », dans : Id., Études d’histoire du droit médiéval, Paris, 1979, p. 3-15.

e.– Phase d’institutionnalisation et temps des princes

Coulet, Noël, « Population et société à Pourrières (1368-1430) », Études rurales, 51, 1973, p. 85-111.
Coulet, Noël, Stouff, Louis, « Les institutions communales dans les village en Provence au Bas Moyen Âge »,  Études rurales, 63-64, 1976, p. 67-81.
Drendel, John (dir.), La société rurale et les instituions gouvernementales au Moyen Âge, actes du coloque de Montréal 13-15 mai 1993, Montréal, Ceres, 1995 (notamment Michel Hébert, « Du village à l’État : les assemblées locales en Provence aux XIVe et XVe s. », p. 103-116 ; Noël Coulet, « Les villages provençaux, la queste et le cadastre », p. 117-130).
Paul Ourliac, « Les coutumes de l’Agenais (XIIIe-XIVe s.) », Annales du Midi, 1962, p. 241-253.
Poumarède, Jacques, Les successions dans le Sud-Ouest de la France au Moyen Âge, Paris, 1972.
Poumarède, Jacques, « Les syndicats de vallée dans les Pyrénées françaises », dans : Les communautés rurales, Recueils de la Société jean Bodin, XLIII, Paris 1984, p. 385-409.
Puig, Carole, Les campagnes roussillonnaises au Moyen Âge : dynamiques agricoles et paysagères entre le XIIe et la première moitié du XIVe siècle, thèse Toulouse, 2003.
Reyerson, K., Drendel John (dir.), Urban and Rural Communities in Medieval France, Provence and Languedoc, 1000-1500, Leiden, Brill, 1998. (notamment, sur la notion d’habitator, Andrée Courtemanche, « Women, Family and Immigration in Fifteenth Century Manosque »).
Rigaudière, Albert, « Universitas, corpus, communitas et consulatum dans les chartes des villes et bourgs d’Auvergne aux XIIe et XIIIe s. », dans : S.H.M.E.S. (dir.), Les origines des libertés urbaines, Rouen, 1990, p 281-310.

f.– Assistance

Assistance et charité en Languedoc, Toulouse, 1979 (Cahiers de Fanjeaux, 13).

Coulet, Noël, « Les confréries du Saint-Esprit en Provence : pour une enquête », dans : Histoire sociale, sensibilités collectives et mentalités. Mélanges Robert Mandrou, Paris, 1985, p. 204-217.

g.– Montagnes

Berthe, Maurice, Cursente, Benoît (dir.), Villages Pyrénéens. Morphogénèse d’un habitat de montagne, Toulouse, 2001.
Carrier, Nicolas, La vie montagnarde en Faucigny à la fin du Moyen Âge, Paris, 2001.
Charbonnier, Pierre, Une autre France. La seigneurie rurale en Basse-Auvergne du XIVe au XVIe siècle, Clermont-Ferrand, 1980.
Coste, Pierre, « La vie pastorale en Provence au milieu du XIVe s. », Études rurales, 46, 1972, p. 61-75.
Davasse, Bernard, Galop, Didier, Rendu, Christine, « Paysages du néolithique à nos jours dans les Pyrénées de l’est d’après l’écologie historique et l’archéologie pastorale », dans : La Dynamique des paysages protohistoriques, antiques et médiévaux et modernes, Sophia Antipolis, APDCA, 1997, p. 577-599.



*. Benoît Cursente et Roland Viader ont eu l’immense gentillesse de relire les pages qui suivent. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma gratitude. Je m’aventurais avec inquiétude sur des terres qu’ils connaissent si bien et pour lesquelles j’avais crainte de trahir leur pensée. Sur ce thème des communautés, pas seulement pour la France du Sud-Ouest, leur lecture compétente m’a été d’un grand secours. Je n’en reste pas moins la seule responsable des erreurs que j’ai pu commettre.

[1] . L’expression de France méridionale est sujette à caution. Au sens médiéval du terme, on l’arrêterait au Rhône, pour ne pas franchir la limite de l’Empire. Pourtant, à bien des égards, Languedoc méditerranéen et Provence appartiennent à une même aire de civilisation. Dépasser le seuil du Lauragais n’est pas plus anodin que franchir le Rhône et s’approcher des Pyrénées constitue une démarche exotique pour un homme de la plaine littorale. On s’autorisera donc un balayage assez large d’Est en Ouest, autant que les études le justifient. Les montagnes offrent, à l’évidence, des caractéristiques différentes en terme de solidarités ; du point de vue de la gestion du territoire, et notamment du rapport entre cultivateurs et éleveurs, ces différences sont évidentes, mais également parce que l’influence de la topographie s’impose très inégalement comme cadre des solidarités. Les montagnes qui encadrent la France méridionale, qu’elles appartiennent au monde pyrénéen, alpin ou au Massif Central me paraissent pourtant devoir être intégrées comme contrepoint au monde de plaine et de collines sur lequel est centré ce rapport.

[2] . E. Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan, Paris, 1975.

[3] . Que le travail d’habilitation de Jean-Louis Biget soit resté inédit est à cet égard une perte lourde de conséquences scientifiques. On citera bien des monographies, trop nombreuses pour faire ici mieux que citer quelques unes d’entre elles, mais beaucoup – du travail d’Arlette Higounet sur Périgueux à la thèse de Noël Coulet sur Aix en Provence ou de Louis Stouff sur Arles – éclairent les deux derniers siècles du Moyen Âge. L’ensemble des travaux d’Albert Rigaudière et de ses élèves a renouvelé en profondeur ce que l’on savait de la fiscalité urbaine, mais là encore pour des périodes où, si la fiscalité s’organise, la conscience commune est déjà acquise pour l’essentiel. On pourra se référer par exemple à l’article récent d’Albert Rigaudière « Les origines médiévales de l’impôt sur la fortune », dans : L’impôt au Moyen Âge, colloque tenu à Bercy les 14,15,16 juin 2000, Ph. Contamine, J. Kerhervé et A. Rigaudière dir., Paris 2002, 3 vol., 227-287.

[4] . Samuel Leturcq, En Beauce, du temps de Suger aux temps modernes. Micro-histoire d’une territoire d’openfield., thèse soutenue à l’université de Paris 1 en 2001, à paraître aux éditions du CTHS. Voir l’analyse de ce travail dans ce colloque.

[5] . L’habitat dispersé, Flaran XVIII, Toulouse 1999.

[6] . R. Livet, Habitat rural et structures agraires en basse Provence, Gap 1962.

[7] . E. Appolis, « La question de la vaine pâture en Languedoc au XVIIIe siècle », Annales d’histoire de la Révolution française, mars 1938 ; E. Le Roy Ladurie, Les paysans de Languedoc, Paris, 1966.

[8] . Pour la période moderne, Le Roy Ladurie a lu dans les archives municipales un monde de spécialistes s’affairant autour des canaux audois dans la plaine de Narbonne. À partir des cotes signalées dans Les paysans de Languedoc, on peut aussi faire une lecture plus modeste et plus terne de cette économie de l’eau, drainage régulier plus que distribution d’eau à la valencienne pour l’irrigation.

[9] . À cet égard, l’étude de Sylvie Caucanas, Moulins et irrigation en Roussillon du IXe au XIVe siècle, CNRS Histoire, 1995, apporte des précisions très précieuses. Elle conclut p. 295 « il apparaît très clairement que ce n’est pas avant le XIIIe siècle et peut-être même seulement le début du XIVe qu’on assiste à un véritable développement du terroir irrigué ». Certes, dans la plaine, les canaux ont une certaine ancienneté, mais les initiatives sont prises par les seigneurs, du moins en apparaît-il ainsi dans les sources. L’action des communautés dans ce domaine, si elle existe, est encore taisible.

[10] . Ces descriptions souvent simplistes et peu historiques sont fortement nuancées par l’ouvrage d’Aline Durand, Les paysages médiévaux du Languedoc (Xe-XIIe), Toulouse, 1998, et des programmes en cours aussi bien dans les Pyrénées que dans les Alpes méridionales, qui introduisent l’importance de la chronologie récente dans l’évolution de cet étagement (cf. infra).

[11] . R. Lebeau, Les grands types de structures agraires dans le monde, Paris, 1969.

[12] . Les caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris, 1931, p. 50.

[13] . « Les communautés villageoises dans le midi de la France au Moyen Âge », Les communautés villageoises en Europe Occidentale du Moyen Âge aux Temps modernes, Flaran 4, Auch 1984, p. 13-27.

[14] . Pierre Bonnassie, « Du Rhône à la Galice : genèse et modalités du régime féodal », dans : Structures féodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen (Xe-XIIIe s.), Rome-Paris, 1980, p. 17-55 ; Hélène Debax, La féodalité languedocienne, XIe-XIIe siècles. Serments,hommages et fiefs dans le Languedoc des Trencavel, Toulouse, 2003.

[15] . Ourliac, « Les communautés villageoises… », p. 17.

[16] . Ibid., p. 24.

[17] . Cartulaire de l’abbaye de Lézat, éd. Paul Ourliac, A.M. Magnou, Paris CTHS 1994, vol. 2, n° 1048, p. 43.

[18] . Lézat, n° 868, p. 622-23.

[19] . Lézat, n° 186, p. 142.

[20] . Lézat, n° 1295, p. 178.

[21] . É. Magnou-Nortier, La société laïque et l’Église dans la province ecclésiastique de Narbonne de la fin du VIIIe à la fin du XIe siècle, Toulouse, 1984, p. 160.

[22] . Lluis To Figueras, « El marc de las comunitats pageses : villa i parroquia en les diocesis de Girona i Elna (final del segle IX-principi de l’XI) », dans : X. Barral y Altet, D. Iogna-Prat, A. M. Mundo, J.M. Salrach, M. Zimmermann (dir.), La Catalogne et la France méridioanle autour de l’an mil, Barcelone, 1991, p. 212-239.

[23] . Ibid., p. 222.

[24] . Ibid., p. 220.

[25] . Histoire Générale du Languedoc, V, 18.

[26] . Cartulaire de Béziers, éd. Rouquette, n° 26 (Livre Noir, f° 103 r°), 19 novembre 958.

[27] . Ibid., n° 111, p. 154 (Livre Noir, f° 299 v°).

[28] . Ce n’est pas le point de vue de Paul Ourliac, qui, en conclusion de son rapport de Flaran 4, indique qu’il ne croit pas que les diverses formes de communauté qu’il identifie, se soient succédées.

[29] . Voir notamment Familia y hereu a la Catalunya Nord-oriental (segles X-XII), Barcelone, 1997. Voir aussi le remarquable ouvrage de Pere Benito i Monclus, Senyoria de la terra i tinença pagesa al comtat de Barcelona, Barcelone, 2003.

[30] . Benoît Cursente, Des maisons et des hommes, Toulouse, 1998. Sur ce point, voir aussi les réflexions fondamentales de Louis Assier-Andrieu, Coutume et rapports sociaux. Étude anthropologique des communautés rurales du Capcir, Paris, 1981 ; « L’esprit de la maison pyrénéenne », Los Pirineos. Estudios de antropologia social e historica, 1986, p. 95-109.

[31] . B. Cursente, Des maisons et des hommes…, p. 329 sq.

[32] . Pierre Michaud-Quantin, Universitas. Expressions du mouvement communautaire dans le Moyen Âge latin, Paris, Vrin, 1970 ;  André Gouron, « Les étapes de la pénétration du droit romain au XIIe s. dans l’ancienne Septimanie », Annales du Midi, 1957, p. 103-120.

[33] . Yves Dossat, « Guy Foucois, enquêteur-réformateur, archevêque et pape (Clément IV) », dans : Les évêques, les clercs et le roi (1250-1300), Toulouse, 1972 (Cahiers de Fanjeaux, 7), p. 23-57 ; voir aussi Monique Bourin-Derruau, Villages médiévaux en Languedoc, Paris, 1987, t. 1, p. 170 et  note 57 p. 380.

[34] . Mireille Mousnier, La Gascogne toulousaine aux XIIe-XIIIe siècles. Une dynamique sociale et spatiale, Toulouse, 1997, et surtout sa contribution « Seigneurs en quête d’universitas dans la France méridionale : de la corne d’abondance à la fontaine de miséricorde », dans : Pour une anthropologie du prélèvement seigneurial, 2 : les mots, les temps les lieux, à paraître.

[35] . Maurice Berthe, « Les coutumes de la France méridionale. Programme de recherche et premiers résultats », dans : M. Mousnier, J. Poumarède (dir.), La coutume au village dans l’Europe médiévale et moderne, Toulouse, 2001 (Flaran, 20).

[36] . La Gascogne toulousaine…, p. 299.

[37] . L’apparition du titre est plus précoce en ville ; à la différence des études souvent un peu anciennes, abusées par le terme, les observations sont aujourd’hui débarrassées de l’illusion d’une indépendance originelle des consuls urbains à l’égard des seigneurs. Dans les villes languedociennes, la genèse des consulats est un face à face complexe, de collaboration et d’affrontement avec le seigneur, comme il en va dans l’ensemble des villes médiévales.

[38] . Chris Wickham, Communautés et clientèles en Toscane au XIIe siècle. Les origines de la commune rurale dans la région de Lucques, (1995, trad. franç.), Rennes, Bibliothèque d’histoire rurale, 2001.

[39] . Sur ce point, voir La paroisse en Languedoc, Toulouse, 1990 (Cahiers de Fanjeaux, 25) : contributions de Jacques Chiffoleau, « L’économie paroissiale en Provence et en Comtat Venaissin » (p. 85-105) ; Monique Bourin, « De la communauté paroissiale à l’universitas castri » (p. 199-214) ; Noël Coulet, « Paroisse, œuvre et communauté d’habitants en Provence » (p. 215-238) ; Henri Barthès, « Paroisse et communauté canoniale : Corneilhan » (p. 239-260).

[40] . Le problème des rapports entre décimaire et paroisse avait été posé à propos de Prouille par Arnaud Ramière de Fortanier dans La paroisse en Languedoc…, p. 182-198. Il a été constaté à la session de 2004 du colloque de Fanjeaux que la question restait embrouillée et mériterait des études systématiques.

[41] . Les premières formes de ces finances municipales ont été remarquablement décrites par Jean Louis Biget (en collaboration avec P. Boucheron), dans « La fiscalité urbaine en Rouergue. Aux origines de la documentation fiscale : le cas de Najac au XIIIe siècle », dans : D. Menjot, M. Sànchez-Martinez (dir.), La fiscalité des villes médiévales au Moyen Âge (France méridionale, Catalogne et Castille), 1 : Étude des sources, Toulouse, Privat, 1996.

[42] . Il conviendra de faire référence aux recherches conduites sous la direction de Philippe Contamine, Jean Kerhervé et Albert Rigaudière dans le cadre du comité pour l’histoire économique et financière de la France sur L’impôt au Moyen Age, Colloque tenu à Bercy en juin 2000, Paris, 2002, et surtout à la contribution encore inédite de Jean-Loup Abbé au colloque de juin 2003.

[43] . Monique Bourin-Derruau, Villages médiévaux en Bas-Languedoc, p. 316 sq.

[44] . Maurice Berthe, Le comté de Bigorre : un milieu rural au Bas Moyen Âge, Paris 1976.

[45] . Jean-Paul Boyer, Hommes et communautés du haut pays niçois médiéval. La Vésubie, Nice, 1990, à la bibliographie duquel on doit renvoyer.

[46] . Une étude conjointe de Jean Paul Boyer et Alain Venturini a noté l’existence de ces consulats ruraux dans l’évêché de Nice au XIIe siècle : Jean Paul Boyer et Alain Venturini, « Les consulats ruraux dans le ressort de l’évêché de Nice (ca 1150-1326) », dans : Actes des journées d’histoire régionale, Mouans-Sartoux, 1984. Les chartes de Tende, La Brigue et Saorge, dont les premières franchises remonteraient à 1092 font l’objet d’études actuelles, notamment de la part de Laurent Ripart. La vallée de la Roya, à laquelle ces communautés appartiennent, sont étudiées en ce moment, pour les formes et l’évolution des solidarités paysannes par la thèse en cours de Juliette Lassalle.

[47] . Le roi de France ne pratique pas de manière très différente : il exige que les consulats soient tenus de lui à défaut de preuve.

[48] . Sur l’emploi simultané et pourtant la différence entre les deux termes, voir notamment Jean-Paul Boyer, Hommes et communautés…, p. 293.

[49] . C’est la même idée qui se dégage de l’ouvrage intitulé Le village de Provence au Bas Moyen Âge, édité en 1987 par les Cahiers du centre d’Etudes des sociétés méditerranéennes. Série n° 2.

[50] . Michel Hébert, Tarascon au XIVe siècle, Aix-en Provence, 1979.

[51] . Hommes et communautés …, p. 285.

[52] . Noël Coulet, « Paroisse, œuvre et communauté d’habitants… », et plus généralement la deuxième partie du volume en question (La paroisse en Languedoc = Cahiers de Fanjeaux, 25).

[53] . Il serait intéressant de comparer cette constitution des « pays » provençaux avec les constatations faites par Henri Falquevert dans la construction de l’état delphinal : Les hommes et la montagne en Dauphiné au XIIIe siècle, Grenoble, 1997.

[54] . Roland Viader, L’Andorre du IXe au XIVe siècle, Toulouse, 2003 ; « Maisons et communautés dans les sociétés montagnardes », dans : S.H.M.E.S. (dir.), Montagnes médiévales, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 272.

[55] . Du paysage à la pratique, des gestes à l’environnement. Essai d’approches croisées sur les systèmes agraires en France méridionale et en Catalogne (IXe-XVe s.), Aix en Provence, 2004.

[56] . Christine Rendu, La montagne d’Enveig. Une estive pyrénéenne dans la longue durée, Perpignan, 2003.

[57] . On notera cependant que cette conscience « écologique » était fortement présente dans la thèse de Pierre Toubert sur le Latium, qui servit de référence pour les analyses de l’habitat, mais ne fut guère suivie par les historiens dans sa prise en compte de l’écosystème.

[58] . Ainsi les recherches en cours de Juliette Dumasy sur la région de Séverac-le-Château, en Rouergue, devraient permettre à court terme de combler, au moins partiellement, la lacune, très gênante, du Sud du Massif Central ; celles de Juliette Lassalle sur la vallée de la Roya, d’aller aux limites de la Provence et de la Ligurie.

[59] . Structures de l’habitat rural et territoires paroissiaux en Bas-Quercy et Haut-Toulousain du VIIe au XIVe siècle, thèse Toulouse, 1999.

[60] . Ces remarques viennent pour l’essentiel de discussions avec Benoît Cursente.